The Sacrament
6.1
The Sacrament

Film de Ti West (2014)

Vu sur les conseils de @Moinal, dans le cadre du Partage de Films (Avril 2018) organisé par @Moonlucide.


The Sacrament est un film déroutant. Il n’est pas nécessairement un énième film en ‘found footage’ (et pourtant, il débute de façon douteuse sous la forme d’un vrai/faux documentaire du site Vice…) dans lequel des morts en série sont filmées avec des gros plans douteux par une caméra tremblante - Cloverfield, c’est à toi que je m’adresse.


Sa forme le place dans un rythme très particulier : à la manière d’un documentaire, il a d’abord pour but d’intriguer son spectateur, et de proposer un cheminement de réflexion au fur et à mesure des événements.
Sans dévoiler le contenu de l’intrigue, The Sacrament parle d’une communauté (le mot secte n’est, me semble-t-il, jamais prononcé) sans sur-interprétation à vif par les personnages, et sans que cela se substitue à l’intrigue. Le film se veut avant tout le récit de l’arrivée dans une communauté d’un trio de trois personnages venus en observateurs, invités par la soeur de l’un d’entre eux.


Si d’aventure vous deviez voir le film, je vous invite à ne pas lire les paragraphes qui suit, tant il m’a été agréable d’être projeté dans l’histoire sans la connaître et sans conjectures pré-visionnage.


The Sacrament est scindé en deux parties : un avant et un pendant. L’événement central étant, vous n’êtes pas sans le savoir puisque vous avez délibérément cliqué sur le bandeau gris ET VU LE FILM (vraiment, si vous ne l’avez pas vu, arrêtez de lire), la décision de Father au summum de sa paranoïa, de forcer ses fidèles à se donner la mort.


Avant le basculement, à leur arrivée dans la communauté, les journalistes ne jugent pas cette utopie, ils sont parfois légèrement mal à l’aise et finissent par ressentir que quelque chose ne va pas. Toutefois, ils se sentent en danger et ne théorisent pas : leur instinct les pousse à fuir, le plus tôt possible.
C’est d’ailleurs se faisant qu’il seront en partie responsable de la décision de Father. Le spectateur relève certaines choses avec sa connaissance du sujet, et se rend compte petit à petit de l’étendue du problème sans que cela soit trop appuyé par le scénario ou la réalisation.


Pendant le basculement, c’est-à-dire à partir du moment où Father déclare qu’il n’y a plus d’autres solutions pour ses fidèles que de se suicider, le réalisateur choisit de présenter des scènes très crues, longues et filmées de près (sans doute ce pourquoi il est considéré comme un film d’horreur - j’y verrai un thriller).
Le fait qu’Eli Roth soit le producteur principal du film n’y est pas pour rien ; cette violence n’est en tout cas ni gratuite ni exubérante. La scène de l’assassinat de Patrick par sa soeur s’étirer à l’infini, et, pourtant minimalisme, est un des moments les plus choquants que j’ai pu vivre avec un film jusqu’ici.


Sa forme found footage rend peut-être l’image légèrement ‘cheap’ mais on a honnêtement vu des figurants mourir de façon bien plus ridicule dans le cinéma mainstream. L’équipe a été bien briefée, et a pris les choses particulièrement au sérieux.
En dernier lieu, The Sacrament trouve sa justesse dans le fait qu’il n’analyse ni ne juge a posteriori. Il se termine lorsque les journalistes fuient les lieux du massacre.
Il ne gratifie pas non plus le public d’un banal “inspiré de faits réels“ ; il préfère maintenir sa fiction jusqu’au bout et terminer sur un carton parlant des événements du film.


(Sans le dire, il se fait tout de même écho au massacre de Jonestown, en 1978)


On peut évidement lui reprocher certains défauts inhérents à sa forme : s’il est logique que le caméraman ne souhaite pas abandonner son matériel dans l’action et continuer à documenter ce dans quoi il est pris au piège ; le fait que Caroline prenne le soin d’emporter un appareil photo qui n’est pas à elle, puis de le positionner parfaitement lors d’une scène cruciale paraît tout de suite moins évident.
Un léger sacrifice de la cohérence de la part du réalisateur pour rester au centre de l’action, sans doute.


Les personnages sont à peine développés (seul le fait que la femme de l’un d’entre eux est enceinte revient à plusieurs reprises), mais cela renforce d’une certaine manière leur incompétence face aux événements.


En définitive, The Sacrament est une très bonne surprise, certes imparfaite et difficile à digérer - puisque très loin des standards - mais qui devrait se regarder par pure curiosité cinématographique.

oggy-at-the-movies
7

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Créée

le 27 avr. 2018

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