Commençons par le commencement. David Michôd, réalisateur et scénariste a réalisé son premier long métrage en 2010, connu sans doute par certain, et applaudi par la critique, l’excellent Animal Kingdom. L’histoire suit la vie d’une famille de criminels qui se retrouve avec un nouveau venu, un neveu, qui sera tourmenté entre, être une grosse balance et renseigner la police, ou devenir comme ses oncles, un gangster. On retrouve dans ce premier film, l’acteur Guy Pearce, qui il me semble deviendra l’un des acteurs fétiches de David Michôd, car devinez quoi, c’est ce même monsieur Pearce qui tient le premier rôle dans The Rover.

The Rover qu’est-ce que c’est ? Eh bien c’est simple, c’est l’histoire d’un mec qui se fait voler sa voiture dans une Australie où l’économie s’est effondrée, et qui va tenter de la retrouver. Pour cela, il s’alliera au frère de l’un des voleurs, laissé pour mort derrière eux.

Bon, alors jusqu’ici tout va bien. Le scénario écrit par Michôd mais aussi par Joel Edgerton (connu pour son rôle récent de Tom Buchanan dans Gatsby le magnifique, ou encore Brendan Conlon l’un des deux frères de Warrior) est une perfection à quelques détails près. Nous sommes directement transportés dans cette Australie presque apocalyptique, et les paysages qu’offre ce vaste et majestueux pays porte totalement le film. L’introduction nous situe immédiatement dans le contexte, et après quelques minutes d’extrême passivité du personnage de Guy Pearce, celui-ci prend totalement le contrôle de l’histoire, et malgré la lenteur sublime de certaines scènes, le film tourne totalement autour de ce personnage mystique et étrange.

Le film rappelle étrangement La route, de John Hillcoat, avec Vigo Mortensen, mais avec une violence différente, et surtout d’une manière beaucoup mieux rythmée. En effet, les moments de tensions sont parfaitement justes, et bien trouvés, quant à la violence, là où La Route se contentait pour moi de montrer que d’un côté, il y a les méchants (ceux qui n’ont aucune valeurs morales), et de l’autre les gentils (ceux qui souhaitent croire encore en l’humanité), The Rover montre que la part d’ombre en nous est beaucoup plus ambiguë, montrant un héros à la fois inhumain, qui souhaite coûte que coûte retrouver sa voiture, mais aussi, et surtout vers la fin doté de sentiments réels.
Le film se situe aussi sur le thème de la reconnaissance. Le héros est persuadé qu’aucune reconnaissance n’est faite de l’homme dans ce monde dévasté, notamment avec une scène sublime, où le héros s’emportera dans un vrai discours philosophique teinté de désespoir profond. Le personnage de Robert Pattinson est quant à lui à la recherche d’une reconnaissance personnelle à travers le regard des autres. Et c’est là que le titre trouve le plus sa justesse, par le caractère de ces deux personnages. The Rover, signifie le vagabond en anglais. Mais c’est aussi (dans la même langue) la désignation d’un chien fidèle, donc, Guy Pearce est le vagabond, et Robert Pattinson est le chien fidèle. Guy Pearce est un vagabond, pas seulement en voyageant et en traversant le pays, mais spirituellement aussi, laissant ses pensées, ses sentiments, se balader aux rythmes des péripéties de la traversée, et flirter avec la mort, tel un vagabond marchant inexorablement vers son destin. Robert Pattinson est quant à lui un chien qui essaye de faire plaisir à son maître, donnant la patte quand celui-ci le demande, et allant même jusqu’à le chercher quand celui-ci disparaît.
Le film est construit autour d’Éric et de son vol de voiture. Le réalisateur voulait placer l’histoire comme ça, et c’est seulement à partir de là, et bien sûr d’une Australie dévastée, que l’on voit les débordements de la société. Enfin, je voudrais dire deux mots en comparaison à Animal Kingdom. Si vous avez vu le premier film de David Michôd, alors je peux vous dire que n change complétement de registre. Tant sur le fond que sur la forme. Michôd ne film plus du tout la même chose, que ce soit au niveau des paysages que sur les personnages. Quand Joshua Cody subissait tous les évènements dans Animal Kingdom (excepté sur la fin, c’est un peu le principe même du film), Eric lui, ne subit rien, ou presque rien. Nous ne sommes pas, dans The Rover emmené par les péripéties, mais par le personnage lui-même et son périple fastidieux.
Et c’est ainsi qu’intervient la magnifique palette de couleur. Les couleurs sont en effet épurées, et tout est fait pour rappeler le désert, à la fois du paysage, du monde, de la pensée humaine, et de la société. C’est un film qui arrive à instaurer un suspens croissant, et ce malgré la forte luminosité des plans (qui a dit qu’il fallait que les scènes soient tournées dans le noir, où on y voit que dalle, pour que le suspens soit omniprésent ?). Le film est réalisé comme une sorte de western des temps moderne. Michôd le dit lui-même, et il est vrai qu’on retrouve la forte thématique de la vengeance. Mais ce n’est pas la seule ressemblance. On a aussi des guns, peu de personnages inintéressants qui ne feront pas avancer l’histoire, des guns, des grands paysages, des guns, et une forte tension dans une scène finale qui peut être associée à un duel de western.


Parlons un instant du casting. Et il faut dire que le casting est juste impeccable, que ce soit tant dans la performance de Pearce ou de Pattinson ou encore des personnages plus que secondaire (je pense ici notamment à l’une des scènes finales avec un vieux monsieur qui pourtant ne dis rien, mais qui montre dans le regard un jeu d’une justesse parfaite). Et bordel ça fait du bien d’avoir un casting comme ça. On sent très bien que le réal a pris le soin de perfectionner chacun de ses personnages, et que le choix des acteurs ne s’est pas fait à la légère, d’ailleurs, d’après David Michôd, le scénario, et le rôle d’Eric a été écrit pour Guy Pearce (donc, il va devenir son acteur fétiche. Ou bien je peux me planter, et j’aurais juste l’air d’un con). Ca fait aussi du bien de voir Guy Pearce dans un rôle à sa hauteur, son personnage est la force constante du film, mais surtout de l’histoire. Les différentes réactions du personnage de Robert Pattinson ne doivent en aucun cas troubler les sentiments d’Éric, comme un chien avec son maître, qui fait tout pour attirer son attention, mais qui n’y parvient malheureusement pas. Et enfin il faut se rendre compte que Pattinson s’affirme de plus en plus comme un bon acteur (un très bon même). Il nous réserve une performance exceptionnelle, l’une de ses meilleures, son personnage lui offrant de nombreuses possibilités, avec une interprétation libre et un accent de fermier Australien dont on ne sait pas trop d’où.


Alors Ok le film est bien, mais qu’est ce qu’on peut lui reprocher ? Bien pas grand-chose. Le seul bémol pour moi était la fin. A mon humble avis, David Michôd aurait dû enlever seulement 30 secondes de film. Ces dernières secondes montrent en effet le pourquoi du comment, à savoir pourquoi le héros veut récupérer sa voiture. Et pour moi c’est là où le film se plante légèrement. Pourquoi montrer ce qui fait de notre protagoniste principal, un vrai humain ? Il est vrai, on ne pouvait pas laisser notre héros aussi inhumain, mais Animal Kingdom terminait bien, sur, « Et après ? ». Une phrase de Pattinson est très intéressante dans le film. Il explique en effet que parfois, il n’y a pas besoin d’explications aux choses. Et peut-être que là j’en fais trop, et que je cherche des messages partout mais pour moi, ça annonçait la fin. Après, en écrivant cette critique, j’ai découvert quelques variables qui me font nuancer mes propos, mais je reste disposer à croire que cette sorte de quête ne devait pas montrer ces quelques dernières secondes. Je suis conscient que durant le film, des indices sont disposés, mais bon sang, la manière dont est introduit le film ne permet pas ce genre de fin.

Encore une fois tout ceci n’est que mon avis, et je ne suis en aucun cas omniscient.
Alors, faut’il voir The Rover ? Il est certain que ça fait longtemps qu’un film ne m’avait pas mis la boule au ventre comme ça, et c’est plaisant. J’étais en permanence « Oh mon dieu !!! Mais comment ça va finir ??? ». Et finalement la fin est arrivée, ce qui parait en fait assez logique. Donc, je vais vous citer ce qu’il faut, A MON AVIS, retenir :
- Un réalisateur à suivre, qui nous promet des scénarios dignes de ce nom, et des plans sublimes.
- Un casting irréprochable au poil de cul près.
- Et si ce n’est pas pour les acteurs ou pour l’histoire, alors regardez le ne serait-ce que pour les montagnes magnifiques, et le sable chaud et étouffant de l’Australie.
Donc Oui, il faut voir The Rover.
Sur ce, je vous dis à bientôt, et n’oubliez pas, ce n’est pas parce que les frères Lumière ont inventé le cinéma, que tous les cinéastes sont des lumières.
Stéphane_Perreau
8

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le 4 nov. 2014

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