Sans être un aussi gros fan que pour la saga Alien, on peut raisonnablement dire que j'aime la saga Predator et pas qu'un peu. Ça fait vraiment plébéien, mais le film inaugural de John McTiernan, sorti en 1987, est ce qu'on peut appeler un chef-d'oeuvre, certes plein de violence reaganienne mais doté d'un scénario si efficace que le spectateur est capable de pleinement le vivre, prouvant au passage qu'on ne devrait jamais apprécier un film en "posant son cerveau" (quelle phrase ridicule). Predator 2 (1990), réalisé par Stephen Hopkins, est pour sa part une suite à la hauteur de son illustre prédécesseur, bien que manquant de maestria à la réalisation, mais il est presque honteux de déconsidérer ce film, de le reléguer au rang de suite sans plus - si on vous sort cet argument, sachez que c'est le summum du foutage de gueule. Je serais beaucoup moins magnanime avec Predators (2010), reboot/remake lamentable et fainéant au possible, sans compter son ADN scénaristique américano-dégueulasse (TOUT expliquer c'est pénible, m'enfin).


Pouvait-on donc faire pire ? D'aucuns diront que les AvP auront déjà bien prouvé que oui. C'est vrai, du moins en partie pour le volet de 2004, que je défendrai toujours malgré ses défauts évidents ; c'est définitivement vrai pour Alien vs Predator: Requiem (2007), une catastrophe qui a réellement rabaissé deux monstres mythologiques du cinéma en énièmes bestioles guignolesques. Le défi était donc de taille pour Shane Black, qui s'attelle donc à la réalisation et au scénario de The Predator (quelle originalité dis donc) ; la pression est égalemen conséquente, puisque les fans attendent au tournant l'oeuvre de l'homme le plus légitime à se placer derrière la caméra, puisqu'on parle de l'interprète de Hawkins dans le film de 1987 - un homme qui est donc censé s'y connaitre.


Résultat ?


Une catastrophe.


Les mots me manquent pour décrire réellement ce qu'a pu être mon visionnage de The Predator. C'est une expérience très douloureuse, voire traumatisante. C'est un peu comme voir son père, taillé dans le roc et inflexible avec ses enfants, se faire victimiser comme jamais au détour d'une ruelle : nos convictions s'effondrent, on est là, à voir le pathétique tableau du crépuscule de nos idoles, et on couvre le visage avec ses mains pour ne pas voir davantage le carnage - ça ou bien on fuit.


The Predator est le genre de film dont les points positifs sont les premiers évoqués, pas parce qu'ils sont rares ou insuffisants, mais bien parce qu'on a envie de ne retenir qu'eux, comme un marin s'accroche à une planche en haute mer. Shane Black oblige, la réalisation a le mérite d'être professionnelle et léchée ; la photographie n'est pas dégueu du tout, et le film fourmille d'idées capables de faire avancer le mythe du Predator sans le dénaturer. Exemple concret ? Le groupe de héros marginaux et débiles, qui certes se fait un écho des "monstres" de Predators mais qui est ici un peu mieux écrit et mis en place. J'approuve.


TOUT le reste est à chier. Rien que la trame principale du film est nulle :


en gros, la Terre se réchauffe et attire donc plus de Predators, et ces derniers veulent s'améliorer en enlevant des humains pour combiner leur ADN avec le leur. Woaw, super


Si encore l'idée était relativement bien amenée, pourquoi pas. Et au pire, ce serait un fil rouge prétexte à un massacre bien orchestré. Après tout, le Predator de 1987 reposait là-dessus, même dans sa diégèse - rappelez-vous quand Dutch capte la vraie nature de la mission qu'il doit accomplir pour la CIA. Mais là, c'est écrit avec d'énormissimes sabots, à même d'insulter l'intelligence du spectateur moyen. Je hais les films qui prennent les gens pour des cons à ce point. Et je ne parle même pas du rôle que joue le fils du héros sinon je vais être violent.
Côté technique, rien ne va. Enfin presque, j'ai parlé plus haut d'une photo qui se tient. Et les décors, bon, c'est assez sympa même si on ne sent aucune oppression comme avec les volets précédents. Mais à quoi bon quand ils sont couplés à un montage catastrophique ? Je m'en fiche de savoir qu'il y a eu du clash après les projections-test, et je veux bien croire que la vision de Black a été mutilée, ce qui nous prive toujours d'un meilleur film que ce à quoi on a droit. Mais là, entre les mouvements de caméra complètement débiles, les enchainements de plans ultra-rapides qui rendent le suivi de l'histoire trop précipité et incapable de faire de l'exposition pertinente, c'est non. Quant aux effets spéciaux, bah... je ne vais pas blâmer l'usage entier de CGI pour le Super-Predator ni ses chiens (ptn des chiens-Predators...), le trucage est évident mais c'est comme regarder un film avec Harryhausen aux effets spéciaux : on sait que c'est du flan et on n'y croit pas, mais ça passe parce qu'on n'a pas envie de chipoter à ce point. Par contre, nouveau point noir pour la musique : autant l'usage du thème de la saga provoque moult frissons (mais pas forcément de plaisirs, surtout quand il est calé n'importe comment), autant la musique originale de Henry Jackman... comment vous dire que c'est random OST n°6584103510035468 ?


The Predator est limite impardonnable. Si AvPR est le pire volet impliquant des Predators, le film de Shane Black parvient à tuer le mythe de la créature, et pas parce qu'on voit son visage dès les premières minutes du film, oh non. Il parait dès lors difficile de croire que le prédateur intergalactique ultime puisse s'en sortir, et rejoint donc sa némésis ultime, le xénomorphe, dans le gouffre de la honte et de l'oubli. C'est triste.

Walter_Smoke
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le 13 juil. 2020

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Walter_Smoke

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