Autant dire que je les attendais de pied ferme ces retrouvailles entre Cianfrance et Gosling. Après MBV, film au pouvoir cathartique déjà évoqué lors d’une critique sous forme de semi confession, j’avais peu de doutes quant au potentiel de la nouvelle bobine du réalisateur, vendue par une B.A aérienne et précédée d’une bonne réputation.

La tenue toute particulière du scénario m’amène à vous prévenir que je serai assez bref, voire évasif, afin de ne gâcher en rien la « surprise ».

Disons simplement que ça fait plaisir de se retrouver pour une fois au cœur d’un récit qui vous mène là où vous ne l’attendiez pas, transformant une chronique en une sorte de fresque porteuse d’une thématique plutôt inattendue. Et encore une fois, Cianfrance transporte ses personnages dans le temps, et sème leurs fantômes sur la route, ce qui laisse une certaine mélancolie de fond faire son travail implicite sur le spectateur.

Malgré quelques tics arty-indie-racoleurs un peu agaçants dans sa réalisation, on doit reconnaître que l’identité formelle du petit Derek a gagné en maturité, sachant calmer ses élans parkinsoniens (pas toujours malheureusement) et asseoir une mise en scène tendue et prenante sur des plans et des séquences à l’exigence l’esthétique rigoureuse caractéristique du bonhomme ; instants oppressants et atmosphère onirique se croisant parfois.

Gosling est décidemment de plus en plus magnétique, crevant l’écran de sa première à sa dernière apparition, tatouages et look improbable participant à bâtir à son personnage un charisme singulier, rare en ces contrées obscures. Mendes est toujours aussi moche, mais parvient à se rendre supportable, Liotta, ce connard de service, et l’intrigue en rapport semblent citer Copland, même Cooper se laisse souffrir quelques temps, et c’est un exploit en soi.

Heureusement TPBTP s’appuie aussi sur ses thématiques et sa narration. J’ai été agréablement surpris par cette impression d’être amené quelque part, sans savoir ni comment ni où j’allai atterrir ; une sensation déstabilisante positive mais qui traduit par contraste le manque d’audace ambiant, sur d’autres bobines. Cianfrance nous conte l’histoire de pères, de fils, où il est question de filiation, d’héritage et de dualité existentielle ; mais aussi de culpabilité. C’est un peu un film d’homme, de quoi parler au daron comme au fiston qui est en vous, messieurs.

On regrettera une conclusion pas tout à fait à la hauteur de son introduction, mais certainement pas de s’être laissé transporté par une fresque qui n’oublie pas ses aspirations intimistes au profit de ses ambitions.

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le 20 mars 2013

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real_folk_blues

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