Un an avant la sortie de Drive, le réalisateur et scénariste Derek Cianfrance faisant tourner Ryan Gosling face à Michelle Williams dans Blue Valentine, film que Jean-Victor décrivait à l'époque comme "[une] romance écorchée vive [qui] se révèle plombée par son schématisme usant, l’agacement de certaines scènes à rallonge et son manque de surprise absolu". Aujourd'hui le réalisateur retrouve le comédien pour une histoire de famille plus qu'une histoire d'amour.

Cianfrance choisit donc comme thème principal de sa nouvelle histoire la filiation, l'attachement d'un père à son fils et les valeurs que l'on se transmet au sein d'une même famille. Parfois ça fonctionne et parfois l'éducation échoue et on se retrouve avec une progéniture bien différente de ce qu'on aurait aimé qu'elle soit. Au délà, à travers son histoire sur laquelle on va longuement revenir à cause de sa construction, il évoque la notion de bien et de mal en insistant lourdement sur le fait qu'on n'est pas blanc ou noir mais qu'on est tous des nuances différentes de gris. Ce sont évidemment des thèmes intéressants mais le réalisateur également scénariste martèle son propos à gros coups de marteaux, oubliant toute notion de finesse dans ce qu'il veut raconter. Plus simplement : The Place Beyond the Pines est un film globalement loupé mais sauvé par quelques fulgurances.

Le film a ça de particulier qu'il est construit en trois actes. Le premier est centré sur le personnage de Ryan Gosling et il semble que l'acteur se cantonne désormais à rejouer le personnage de Drive à l'infini. Celui qu'il incarne est une sorte de brute au grand coeur, un peu timide, un peu beta et qui parle peu. Cette fois, il n'a pas le costume du flic pendant la prohibition et préfère les fringues usées, les tatouages et les teintures de cheveux. Mais on a bien du mal à voir autre chose dans ce paumé que bien des aspects du chauffeur de Nicolas Winding Refn.
Le bonhomme est cette fois cascadeur à moto et fait des spectacles itinérants comme le montre le superbe plan séquence d'ouverture. Revenu dans l'Etat de New York, il va retomber sur une ex, un coup d'un soir et découvrir qu'il est devenu papa. De fait, il va abandonner son métier, voulant subvenir aux besoins de son gamin. Et pour cela, il va s'adonner aux braquages de banques.
A cause de son personnage molasson, et de quelques problèmes de mise en scène notamment une caméra portée rendant parfois l'image illisible, on s'ennuie ferme pendant cette histoire cousue de fil blanc.

C'est alors qu'intervient Bradley Cooper. Lui est un jeune flic qui se retrouve face au braqueur et l'arrête. Commence alors le 2e acte, et on se met à suivre le policier récompensé pour son arrestation dans sa relation avec ses collègues. Lui aussi est père d'un petit garçon à cela près que sa famille est stable et qu'il file le parfait amour avec la toujours charmante Rose Byrne. On avait donc un looser voulant bien faire, on va se retrouver face à un gentil ne faisant pas forcément ce qu'il faut puisqu'il va tremper dans une histoire avec des flics ripoux. On en dira pas d'avantage mais on comprend que Cianfrance cherche un parallèle entre les deux personnages, l'aspect "grisâtre" et la manière de vivre la paternité étant mis en avant.
Contrairement à une première partie assez pénible bien que relevée par la présence de Bruce Springsteen dans la bande originale, ce deuxième acte est sauvé par une histoire un peu plus intéressante et quelques très bons seconds rôles (Ray Liotta est toujours aussi parfait).

Arrive alors le 3e acte qui se déroule ... 15 ans plus tard. Cianfrance aurait pu chercher à faire une troisième partie montrant un face à face entre Gosling et Cooper mais le réalisateur préfère embrouiller son spectateur avec ce fast forward mettant en scène -et vous en vous doutez surement- les fameux fils des deux protagonistes ! La règle qui dit que si le héros a un fils le film en sera forcément pourri peut ici être également appliqué malgré quelques hausses d'intérêts distillés par petite touches (notamment Bradley Cooper, excellent). Mais comme dans beaucoup de drames de ce genre, Cianfrance ne sait au final pas comment conclure. Son idée de fin donne donc un sentiment de "tout ça pour ça".

Au final, The Place Beyond the Pines est à l'image de ses héros : ni blanc ni noir, ni bon ni mauvais. C'est un film terne.

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le 14 mars 2013

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