Pour les réalisateurs de Hong Kong, la vie est un peu rude ces dernières années et la production cinématographique de l’ex-colonie britannique est bien moins florissante malgré des pépites qui popent ci et là. Alors certains partent en Chine Continentale et tentent de retrouver un second souffle dans le DTV. D’autres ont tout simplement mis en pause leur carrière. Et certains vont faire des films dans d’autres contrées, comme c’est le cas de Wong Ching-Po, réalisateur très intéressant bien que pas des plus prolifiques, qui aura pondu les très bons Jiang Hu (2004) et Let’s Go (2011) ou encore les sympathique Once Upon a Time in Shanghai (2014) et Revenge : A Love Story (2010). En effet, en 2023, ce dernier a été faire un tour à Taïwan pour réaliser The Pig, The Snake and The Pigeon. Et ça arrive chez nous par l’intermédiaire de Netflix qui, quoi qu’on en pense, permet l’arrivée de nombreux films de divers pays dans nos contrées. Certes, ce n’est pas du physique, mais c’est mieux que rien. Alors qu’est-ce qu’on en pense pas ici ? Eh ben c’était bien, même si j’emmétrais quelques réserves contrairement aux avis dithyrambiques qui ont pullulé sur les réseaux sociaux suite à la sortie du film.


Après son Once Upon a Time in Shanghai, Wong Ching-Po s’est retrouvé en manqué d’idées de films centers sur Hong Kong. Il a bien réalisé un segment de l’anthologie Good Take ! (2016) mais guère plus depuis 2014. En 2019, par l’intermédiaire d’un ami commun, Wong Ching-Po rencontre la productrice taïwanaise Lee Lieh et lui présentes trois concepts d’histoire. L’un d’eux retient l’attention de cette dernière et Wong finalise le scénario, d’abord sous le titre Crime and Punishment, puis sous l’actuel, The Pig, The Snake and The Pigeon, en référence au personnage historique chinois Zhou Chu. Mais sous cette appellation qui pourrait rappeler Le Bon, La Brute et Le Truand, chacun désignant un des personnages du film, il en est ici tout autre. Dans la culture chinoise, chacun de ces trois animaux peut avoir plusieurs « sens ». Le cochon représente aussi bien le courage, la générosité, la prise de bonnes décisions, la fortune, que la cupidité ou l’abondance (dans le mauvais sens du terme). Le Serpent renvoie à la séduction, l’intelligence, la profondeur d’esprit, le sixième sens, mais également la tromperie, l’aversion ou la trahison. Enfin, le pigeon représente la paix, l’amour, l’endurance, la capacité à trouver son chemin, mais aussi peut-être la naïveté ou l’attachement (là aussi dans le mauvais sens du terme). Et sous ce titre se cache en fait tout ça, avec des personnages qui vont passer de l’un à l’autre, ou qui vont être plusieurs de ces traits en même temps, car la nature humaine est compliquée, chantante en fonction des situations, avec parfois des émotions qui s’entrechoquent. On pourrait même y voir un parallèle avec le film en lui-même qui ne cesse de changer de style, qui part dans diverses directions.


The Pig, The Snake and the Pigeon se situe à mi-chemin entre la comédie noire et le thriller d’action, et l’équilibre entre les deux est plutôt réussi. Wong Ching-Po sait parfaitement ce qu’il fait avec sa caméra, choisit bien ses angles, parfois en plan très rapproché, parfois en plan d’ensemble en fonction des besoins. Sa mise en scène est très élégante, parfois bien stylé sans jamais tomber dans le clipesque, et le résultat à l’écran est vraiment beau grâce à une photographie aux petits oignons. Il sait parfaitement gérer son rythme, du moins jusque dans la dernière partie. Là, The Pig, The Snake and the Pigeon vire au drame un peu contemplative dans sa dernière partie, voire au mélo et c’est là que ça coince un peu. Car à trop vouloir nous amener là où on ne l’attend pas, le film se perd un peu. On comprendre que cette dernière partie est là pour amener un peu de spiritualité et de réflexion à l’ensemble, mais c’est également là que le film se met à trainer en longueur. Oui, ça surprend, mais ça déroute aussi, au point que cette dernière partie sera sans doute quitte ou double en fonction du ressenti du spectateur, car bien que la tuerie finale vient nous rappeler qu’on est dans un film avec un tueur, les trente minutes qui précèdent pourront en laisser plus d’un perplexe, moi le premier.


De par son scénario, le film vire vers le fatalisme, avec ce héros qui apprend qu’il n’a plus que quelques mois à vivre et qui va tenter le tout pour le tout pour arriver à son objectif, sans réellement se soucier des conséquences de ses actes étant donné que ses jours sont comptés. Les scènes d’action sont au final rares mais réellement percutantes et marquantes. Ne lésinant pas sur la violence et la brutalité, aussi bien au niveau du punch des coups que visuellement avec des impacts de balles bien voyants et du sang qui coule malgré tout ce qu’il faut, on retient son souffle lorsque les bastons ou les gunfights entrent en jeu. La tuerie finale vaut à elle seule le détour, bien que pouvant paraitre un peu artificielle chez certains à cause de la demi-heure qui précède. Le jeu des acteurs est excellent. Ethan Juan dégueule de charisme et on se prend immédiatement d’affectation pour ce tueur à la fois impitoyable mais également très fragile. Les sourires qu’il arbore régulièrement arrivent à faire passer les émotions très complexes du personnage. Même chose pour Chen Yi-Wen dans le rôle d’un gourou un peu particulier, mémorable et rapidement détestable, au point d’arborer nous-même un grand sourire lorsque le sort qui lui est réservé arrive. Dommage que la jolie Gingle Wang Ching soit complètement sous-exploitée. Elle arbore un très joli minois, certes, mais son rôle n’est au final pas très convaincant à cause d’un scénario n’en fait pas grand-chose.


Après presque une décennie d’absence, Wong Ching-Po revient du côté de Taïwan avec un film à mi-chemin entre la comédie noire et le thriller d’action. The Pig, The Snake and the Pigeon a son lot de scènes marquantes, dommage qu’il soit plombé par une dernière partie qui se perd un peu.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-the-pig-the-snake-and-the-pigeon-de-wong-ching-po-2023/

cherycok
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le 22 mars 2024

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