The Old Oak
6.6
The Old Oak

Film de Ken Loach (2023)

Avec ‘The Old Oak’, le cineaste anglaise Ken Loach atteint les limites du cinéma social et du film humaniste. Il parvient à toucher avec justesse certaines réalités mais son film ne décolle jamais vraiment par manque de vrais moments de cinéma.

TJ Ballantyne est le propriétaire du "Old Oak", un pub situé dans une petite bourgade du nord de l’Angleterre. Il y sert quotidiennement les mêmes habitués désœuvrés pour qui l’endroit est devenu le dernier lieu où se retrouver. L’arrivée de réfugiés syriens va créer des tensions dans le village.

Il faut saluer la capacité de Ken Loach à savoir montrer et rendre une réalité sociale au plus proche, sans fard et sans effets de cinéma. Il se place au plus près des gens, des déclassés que ce soient cette classe populaire anglaise de cette ancienne ville minière ou ces réfugiés syriens débarquant dans le patelin. Loach s’est entouré et dirige merveilleusement des acteurs non-professionnels, garants d’une authenticité certaine sans la distanciation que peuvent provoquer les acteurs de profession.

La bonne idée du film est de confronter deux misères, celle de cette classe populaire anglaise dont la ville se vide et se ferme depuis la fin de l’exploitation des mines. Et celle de ces réfugiés contraints de fuir leur pays en guerre et débarquant dans une ville qu’ils ne connaissent pas. Loach montre comment la tension entre les deux communautés relève de l’ignorance des uns envers les autres. Les réfugiés vivent de dons associatifs, ce qui suscitent la jalousie des habitants qui douillent pour s’acheter de quoi manger. De même, la jeune réfugiée syrienne Yara découvre avec stupéfaction la misère dans laquelle vivent les habitants, en fouillant les placards et le frigidaire dans une des maisons. On imagine aisément qu’avant de fuir son pays, le train de vie de Yara était supérieur à ceux des Anglais qu’elle côtoie. Ça, c’est une très belle idée.

Malheureusement le film, qui devrait nous émouvoir constamment, ne nous émeut que sporadiquement. Car Loach ne décolle pas son nez de la réalité qu’il filme. Il reste dans la quotidienneté, dans la banalité de la vie. On l’accepterait sans doute d’un documentaire ou d’un reportage de JT. Mais au cinéma, on est dans l'attente de scènes fortes. Le filme s’ouvre sur une scène puissante et de pure cinéma avec l’arrivée des réfugiés dans le village, sous les insultes des habitants. Dans le montage de cette séquence, Loach alterne images filmées et images arrêtées en noir-et-blanc. Ce bel effet permet de souligner encore davantage la violence de cette scène. Mais passée cette séquence, le film est un peu plat à part quelques moments sporadiques où l’on quitte le réalisme social pur.

Peut-être que ce non-décollage vient du fait qu’on s’attarde trop sur le personnage du barman TJ. Fallait-il évoquer son passé, l’histoire avec sa femme et son chien ? Certes, cela permet encore une fois de toucher une certaine réalité mais c’est un peu du temps de film perdu.

Car les scènes les plus réussies sont celles où les deux mondes, les deux cultures se mélangent. Comme dans cette séquence très belle où la réfugiée Yara écoute, les larmes aux yeux, un chant grégorien dans une cathédrale. Ou lors de cette de scène de repas partagé entre les deux communautés. Ou encore à la fin du film, et son bel élan de solidarité qui tire des larmes.

Ce qui est touchant, c’est que Ken Loach est encore un idéaliste, rêvant toujours d’une société plus juste dans laquelle, les gens accueilleraient d’autres défavorisés de bonne grâce dans leur ville. A 87 ans, le cinéaste anglais semble toujours avoir foi en l’humanité. Cette conviction porte ce film, dont on aurait aimé qu’il nous émeuve davantage car son propos est fort et juste.

Noel_Astoc
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le 12 nov. 2023

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