Tragédie simplette

Avant de donner 90 millions de dollars à Robert Eggers pour réaliser un film, il faudrait tout de même lui rappeler que le fond est au moins aussi important que la forme... Se réfugier derrière l'excuse du cinéma à vocation esthétique n'est pas non plus une excuse, surtout quand certains choix s'avèrent plus que douteux...

Commençons donc par la qualité formelle du film, soi-disant l'élément le plus marquant de The Northman. Des goûts et des couleurs, on ne discute pas, mais ici le faut bien. La photographie est effectivement soignée et les scènes d'action fonctionnent bien. Les scènes d'ésotérisme ne sont pas inintéressantes, bien que trop nombreuses et n'apportant pas grand chose au récit. Les paysages islandais sont à couper le souffle et sont très bien retranscrits par la caméra du réalisateur. Il ne reste pas moins que tout n'est pas aussi beau dans ce film, notamment les (heureusement rares) effets numériques absolument hideux lors de la présentation d'un arbre généalogique de pendus ou encore la chevauchée vers le Valhalla. Il est grand temps que l'industrie du cinéma arrête de s'inspirer de l'industrie du jeu vidéo.

Cette relative beauté formelle et cette mise en scène soignée exceptées, il ne reste rien à retenir de The Northman. Pure histoire de vengeance inintéressante sans aucune réflexion, l'absence de scénario pèse lourdement tout au long de la diffusion. La bande-son lourdingue n'arrange rien. Heureusement, le réalisateur nous épargne les flash-back intempestifs et nous propose un récit linéaire qui sert l'aspect tragique du destin de la brute principale mais traîne bien trop en longueur. Le jeu caricatural (Alexander Skarsgård), excessif (Ethan Hawke) ou au contraire sans expression (Nicole Kidman totalement en dehors de son personnage) des acteurs finit de sortir totalement le spectateur d'un semblant d'immersion.

Proposer uniquement des émotions au spectateur, sans soumettre aucune réflexion, ce n'est déjà pas très honnête. Alors quand en plus le peu qu'on présente est d'un goût plus que douteux, cela devient presque insultant.