The Hunt (Craig Zobel, U.S.A, 2020, 1h30)

Initialement prévu pour une sortie le 27 septembre 2019, ‘’The Hunt’’ fût décalé à cause de l’actualité brûlante, suite à une tuerie de masse, comme il est presque devenu culturel sur le sol de l’Oncle Sam. Prévu pour une nouvelle sortie le 13 mars 2020, sa diffusion fût une fois de plus compromise, la faute à la crise du Coronavirus, ayant fait fermer les salles de cinéma. C’est donc en VOD que débute la carrière d’une œuvre qui joue de malchance.


Car en plus de tout cela, il est vrai que le postulat de départ de ‘’The Hunt’’ peut déranger, tellement il se positionne dans l’ère du temps, en venant fracassant avec un second degré débridé l’absurdité dans laquelle se plonge à corps perdu les États-Unis. Que ce soit le redneck Républicain, ou bien le SJW Démocrate, les deux camps en prennent pour leur grade par le biais d’une satire politique fun et décomplexée, des plus démentes.


Sur un postulat d’une grande simplicité, des Démocrates chassent littéralement des Républicains, le scénario écrit par Nick Cuse et Damon Lindeloff fait preuve d’un cynisme à toute épreuve, d’une incisive mordante soulevant des questions sur nos sociétés occidentales, au cœur desquelles cohabitent deux idéologies de plus en plus opposées et irréconciliable, divisant les nations sans espoir d’unité à l’horizon.


Si l’ombre de l’administration Trump plane au-dessus du métrage, ce dernier ne sombre jamais dans une complaisance gratuite, malgré son concept propice à l’émergence d’un manichéisme hypocrite. Tout au contraire, l’œuvre de Craig Zobel fait étonnement preuve d’une grande sagesse, favorisant la captation des différences idéologiques, se retenant d’en enfoncer une pour placer l’autre sur un piédestal.


Au beau milieu de son jeu de massacre, qui compte tout de même 23 victimes (score raisonnable pour une œuvre horrifique) ‘’The Hunt’’ interroge les dérives d’un système bipolaire, au sein duquel les Démocrates sont prisonniers d’une bienpensance contraignante. Sans arrêt à se chamailler par rapport à l’utilisation de tel ou tel stéréotype.


Est-ce qu’il est politiquement correct de dire ‘’Noir’’ pour parler des Afro-américains ? Est-ce que c’est sexiste de genrer un groupe mixte en disant ‘’les gars’’ ? Les chasseurs Démocrates passent ainsi leur temps à se chamailler sur des détails, se lançant sans cesse dans des débats stériles en marchant sur des œufs, puisque de toute façon au final tout le monde à tort.


En face leurs opposants Républicains correspondent quant à eux aux parfaits clichés que l’on peut se faire des redneck sudistes : des beaufs Racistes, sexistes, ardents défenseurs du Second Amendement et climato sceptiques amateurs de fake news. D’une virulence verbale décomplexée, ils se retrouvent ironiquement en position de proies.


Dans un délire proche du ‘’Severance’’ de Christopher Smith en 2006, ‘’The Hunt’’ s’éclate dans bonne humeur communicative. Drôle, gore, politiquement incorrect, et réflexif, il ne se repose jamais avec fainéantise sur son postulat de départ, pour porter son histoire bien au-delà, par le biais de personnages originaux, qui ne servent pas juste de chair à pâté. Bien que la quasi intégralité du casting se fasse dégommer dans la joie et la bonne humeur.


Baignant dans une allégresse communicative, ‘’The Hunt’’, une production de plus à mettre au compte de Jason Blum, se présente vraiment comme ce petit grain de sable empêcheur de tourner en rond. Les premiers screen test ayant fait scandales, Donald Trump himself avait réagi en vilipendant le film, qu’il n’avait même pas vu. Accusant les libéraux d’Hollywood d’attiser la haine et la violence envers les conservateurs. All Wrong, ce n’est absolument pas le propos du projet, tout au contraire.


En ne prenant jamais partis, et avec son second degré à tout épreuve, le métrage ne sombre jamais dans la critique corrosive gratuite, qui opposerait bêtement un modèle à l’autre en favorisant une des deux idéologies. C’est sur le terrain de la pure satire, qui tape sur les absurdités des deux camps, que le récit est monté en mayonnaise et extrapolée jusqu’à son paroxysme. En résulte une comédie horrifique efficace qui n’oublie jamais d’être amusée, ne lésinant pas sur le gore.


‘’The Hunt’’ n’a pas d’autre orientation politique que le constat grinçant d’une société drastiquement divisée. C’est un petit film d’horreur à 14 million de $, qui ne mérite pas une réputation sulfureuse, sur laquelle s’est axée, non sans un sens de la roublardise, sa promotion. Alors qu’il ne fait qu’exploiter les caractéristiques des deux camps ennemis, pour y exfiltrer ce qu’ils sont tous les deux de plus débilitant.


Si bien entendu il porte le sceau de ‘’production de l’ère Trump’’, ce n’en est pas pour autant une œuvre anti-Trump, ni anti-Républicaine, bien au contraire. Fort d’une certaine sagesse c’est même à tout l’inverse que prétend le métrage, venant exagérer stupidement un combat politique, en le passant du terrain parlementaire au terrain de la violence brute.


Ce que Nick Cuse et Damon Lindeloff exprime dans leur script, c’est une volonté de montrer à quel point les divisions partisanes peuvent être ridicules, et au lieu de diviser le peuple, il serait temps de bûcher de concert en mettant de côté les divergences, pour gérer les problématiques de notre temps. Tel que la pauvreté galopante, les flux migratoires, le réchauffement climatique, et le retour fracassant du fascisme sur la scène politique internationale.


Bien plus incisive que pourrait laisser à penser l’innocence avec laquelle est menée le récit, ‘’The Hunt’’ est avant tout un film d’Horreur des plus funky, léger et divertissant. Ce qui ne l’empêche en rien d’être traversé par de nombreuses thématiques qui prête à réfléchir. Et quoi de mieux que sortir grandit d’une expérience cinématographique, sans la désagréable impression d’avoir assisté à un pamphlet politique ?


Le principe même de la satire, du fun et de la réflexion, est sérieusement appliqué dans cette œuvre des plus démentes, qui s’impose comme une véritable réussite, parlant de notre monde avec une innocence feinte des plus salvatrice.


God Bless America !


-Stork._

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le 22 mars 2020

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