Avant de voir ce film, je n'avais vu de Lars von TRIER que Dancer in the Dark (2000) qui ne m'avait pas laissé un souvenir impérissable.

Je débutais donc le visionnement du dernier film en date du réalisateur danois réputé pour ses provocations et les polémiques qu'il cristallise autour de lui et de son oeuvre, sans a priori ni idées préconçues.


Le film nous présente Jack, un tueur en série sociopathe qui raconte à travers 5 meurtres choisis au hasard parmi la soixantaine de ses victimes, comment il se définit en tant que tueur et en tant qu'artiste. Jack pense en effet qu'il est un artiste à la mission clairement définie, dont le but est de construire à travers ses meurtres la maison d'architecte qui restera à la postérité et qui abritera son enfance et sa vie rêvée.

Matt DILLON est remarquable dans son interprétation de ce personnage complexe.


Le film multiplie les partis pris narratifs et les détails de mises en scènes. On trouvera du flash back, puis plus loin le temps sera accéléré, là encore on nous prendra comme témoin de la psyché de Jack et non plus comme simple spectateur de ses actes en brisant le 4° mur, seront insérées des images d'archives d'actualités ou de faits historiques atroces comme autant de rappels à la profonde noirceur de l'âme humaine. La vision artistique qu'a Jack de ses meurtres se traduit à l'écran par l'insertion d'oeuvres d'art pour nous signifier que tel un peintre ou un sculpteur qui affine son oeuvre au fil du temps et au fur et à mesure qu'il maîtrise sa technique, le tueur qu'il est devient à chaque meurtre perpétré plus proche de la perfection, du chef d'oeuvre. Les peintures ou autres manifestations artistiques passent ainsi d'une facture naïve à des réalisations plus complexes, tandis que la notoriété du tueur grandit.


Deux thèmes musicaux récurrents viennent compléter ce parallèle entre la quête de la perfection et la réputation ou la renommée du tueur dont on suit les actes, d'un côté la construction patiente et méticuleuse d'une pièce pour piano par Glenn GOULD et le titre "fame" de David BOWIE. La mise en scène suit elle aussi cette évolution, passant de mises au points maladroites et mouvements trop naturalistes à une maîtrise rare à mesure que le film avance et que Jack devient orfèvre en son domaine.


Tout le long du film nous faisons des allers retours entre le monde réel et la psyché de Jack.


Le film est hyper référencé, sont convoqués Kevin Bacon ou Zdzisław Beksiński, mais aussi Dante. Lars Von Trier offre un film difficile, clivant qui ne le réconciliera pas avec ses détracteurs. Il offre à voir un film qui bousculera nos certitudes, un personnage glaçant et antipathique mais pour qui malgré tout nous ne ressentons aucune espèce d'animosité quand au contraire ses victimes nous indiffèrent, voire pire ne réveille en nous que l'idée qu'elles ne méritent pas mieux que leur triste sort, et c'est sûrement en cela que ce film est troublant. Sensation inconfortable encore amplifiée par des extraits de documentaires animaliers, nous questionnant sur notre statut d'homme. Sommes nous si loin de l'animal qu'on aimerait le croire ? Sommes nous si sûr que notre sociopathie et notre ressemblance à Jack sont bien enfouis derrière nos masques sociétaux ?


Rarement un film touchera de façon aussi violente et insidieuse notre humanité.

Je ne suis pas certain d'avoir aimé ce film au sens émotionnel du terme tant il vient nous bousculer et mettre en lumière notre profonde noirceur, mais il est cependant une réussite tant sur un plan formel, que sur ce qu'il dit de nous. Noir, cynique et pessimiste.


A voir pour un public averti.

Spectateur-Lambda
9

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Créée

le 10 oct. 2022

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