A l'image de la ballade Arturienne dont il est assez librement adapté, ce "Green Knight" de 2021 est aussi complexe que truffé de symboles. Après mon premier visionnage (le film en mérite plusieurs), je préfère discuter des thématiques amenées qu'une réelle critique. En effet, la direction artistique est parfaite, les acteurs habités, mais le réalisateur reste volontairement cryptique sur le développement de son histoire, et les clefs de lecture sont très (trop) nombreuses.
SPOILER ALERT
1) L'ambition d'une mère
Je n'ai pas bien compris la fusion opérée entre la mère de Gauvain et Morgane (un seul personnage dans ce film), mais c'est elle qui appelle le chevalier vert et lance la quête. Elle est de quelques scènes, mais on n'arrive pas vraiment à savoir si elle est un personnage positif (poussant son fils à se sortir les doigts) négatif (cherchant à nuire à son frère le Roi Arthur et lui voler le trône), ni si elle est représentée lors de la quête par le renard (protégeant son fils et le guidant) ou le chevalier vert lui même.
2) La quête de l'honneur à tout prix :
Gauvain est présenté comme le héros cinématographique moderne : il boit, couche et découche, et manque de rigueur morale. S'il accède à la table ronde, ce n'est que par népotisme (il est le neveu du roi). Si le film prend le chemin d'une quête initiatique, nous sortons des rails immédiatement : Gauvain est faible et égoïste, mais surtout n'évolue pas d'un poil sur la voie de la chevalerie, allant d'échecs en échecs et prouvant qu'il ne suffit pas de vouloir pour être honorable et légitime.
Quand vient sa chance, il échoue d'abord au test du chevalier vert en lui coupant la tête. Il fait preuve de naïveté devant les charognards qui lui dérobent ses affaires, et est incapable de se défendre contre trois enfants. Quand il rencontre le fantôme d'une Lady qui demande son aide, il demande rétribution en retour de ses services. Au château, il ne résiste pas à la tentation sexuelle, et ment à son hôte.
Son ultime test sera son plus grand échec, fuyant le juste paiement de son pari et la mort par décapitation devant le chevalier vert.
3) La chevalerie tournée en ridicule
Gauvain retourne au château malgré son échec dans la quête, et s'en sort par le mensonge. Il est proclamé chevalier, puis Roi. La stupidité du dogme chevaleresque est démontrée dès la présentation du chevalier vert : pourquoi accepter un pari qui débouchera indubitablement sur la mort de celui qui portera le premier coup ? Quel honneur y a t'il à se rendre à La Chapelle Verte pour y attendre la mort?
Les femmes, dans l'ombre des chevaliers mettent en garde Gauvain de la futilité de la recherche de l'honneur à tout prix : d'abord Essel, le poussant à être "bon" plutôt que "grand" puis le fantôme, précisant que c'est bien un chevalier qui l'a violé et lui a tranché la tête : malgré tout ce qu'implique le dogme, la gloire peut cacher le déshonneur.
4) Une fable écologique
J'attendais de ce green knight une allégorie centrale consacrée à l'écologie, et je n'ai pas été déçu. La créature, personnifiant un arbre, prophétise traiter Gauvain tel qu'il sera traité. Le message n'est pas subtil, mais décapiter un arbre pour le voir se venger le noël suivant, çà a de la gueule. La nature, dans laquelle Gauvain erre le plus clair du film, semble appartenir à un autre temps. Magnifiée par des couleurs féériques et une brume omniprésente, certaines scènes trahissent la magie du "pouvoir vert" celui qui est "plus fort, plus patient que le rouge de la passion humaine". Le surnaturel, finalement, il est là.