Pendant que "Les gamins" fait salle comble, "The Grandmaster" est passé dans la toute petite salle du fond. Trop peu de public pour ce cinéma asiatique, seulement quelques amoureux qui savent ou ils mettent les pieds osent pousser la porte. Pas de public lambda venu découvrir, non, le jeune homme pas loin à le nez plongé dans un Taniguchi pendant les bandes annonces et le couple devant moi est asiatique.

Ce film est le récit de la vie de Ip Man, maître légendaire et futur mentor de Bruce Lee. Nous commençons en 1930 pour finir au début des années 1950, pendant ce temps le pays connait l'invasion japonaise, l'histoire d'Hong Kong et sa période de chaos. Une femme, Gong Er, fait son propre choix en se vouant aux arts martiaux…dernière femme à posséder le savoir des 64 mains. Honneur, famille, vengeance sont les maitres mots de ce nouveau film. "Plus qu'une technique, il m'a appris un code d'honneur" Gong Er.

Après ce difficile choix d'américaniser son oeuvre (My Blueberry Nights), nous attendions donc la suite. Il faut pas moins de quatre ans au réalisateur pour sortir un film, cette fois le sujet est bien chinois : les Arts Martiaux.
Oui mais…si l'on retrouve la patte du Hongkongais dans les gros plans au ralenti (sur les gouttes d'eau, sur la neige, un chapeau etc), la scène d'intro est largement occidentale, la musique surtout, loin des chants lyriques habituels et sons de zheng et autres cithares, on a le droit à un vrai morceau de film d'action à l'américaine (ce qui s'effacera par la suite).
Il arrive néanmoins à jouer avec les éléments naturels qui entourent ses acteurs, la pluie est très bien éclairée, filmée tantôt comme des lames d'argent tantôt comme un collier de perles qui se brise. Il ose des plans esthétique qui bien que non indispensables, renforcent l'essence du film dans un registre lyrique et philosophique.
On retrouve dans "The Grandmaster" ce qui a fait le succès de "In the mood for love" : les visages dédoublés par des flous artistiques avec des miroirs, une caméra qui se balade derrière des cloisons pour fixer le personnage, son fameux travelling latéral ralenti et la mise au point sur l'arrière plan ou se trouve l'acteur, les visages coincés sur un côté, jamais au centre de l'image. Les chorégraphies sont élégantes, une véritable danse, les gros plans sur les pieds et les déplacements sont impressionnants.

La très jolie scène du premier face à face entre Gong Er et Ip Man ressemble à un tableau, le sujet au centre de la toile et les silhouettes élégantes et immobiles autour de lui.


Alors oui, Wong Kar-Waï est loin de l'époque "Chungking Express" et "Les Anges Déchus" et on sent la volonté de conquérir le public américain et européen en offrant un film au scénario bien moins complexe, aux regards moins déroutants. Mais devons nous lui jeter la pierre si le public occidental boude son oeuvre chinoise ? Assurément non, si "The Grandmaster" est un très beau film même s'il n'a pas la même âme orientale que l'ancienne filmographie. Wong Kar-Waï tente de rendre son art accessible au public étranger au détriment de sa culture. Il garde néanmoins son originalité et son savoir faire pour dévoiler un film esthétique pour le grand public, et ravissant les connaisseurs de plans clins d'oeils à "2046" et "In the mood for love".
"The Grandmaster" est parfait pour les spectateurs souhaitant découvrir l'univers du cinéaste Hongkongais, il suffit ensuite de se diriger vers ses autres films pour en savourer tout le talent.
Wilane
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le 19 avr. 2013

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Wilane

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