Je ne saurai me montrer plus éloquent que notre bon vieux @Senscritchaiev pour exprimer à quel point le dernier WKW fut une déception.

Il semblerait que la fraicheur du réalisateur de Chungking Express, identifiable alors par un procédé d’écriture dont la spontanéité tapait dans le mille, disparaisse ici au milieu d’un récit brouillon et sans grande pertinence, auto suffisant et masturbatoire, là où les errances sentimentales d’antan touchaient sans peine l’amoureux transi en chacun de nous.

La narration elliptique et lacunaire de WKW, habituellement rattrapée par sa puissance visuelle brute, n’a jamais autant ressemblé à un défaut (dans tous les sens du terme) grossier de lisibilité et d’écriture que sur son Grandmaster(s).

Histoire éclatée, contexte accessoire et maladroit, personnages éparpillés, dialogues ressemblant à une succession de proverbes chinois débités avec distance ; voilà la vision lente et douloureuse d’un récit indigent qui amène assez souvent le spectateur aux frontières de la somnolence. D’ailleurs mon voisin de derrière s’est endormi, avec ronflement s’il vous plait, et les bâillements entendus de ci de là dans la salle s’accompagnaient par ailleurs d’une sorte de gêne induite par une série de dialogues laborieux et boursouflés.

Mais la déception est aussi formelle ; le combat illisible sous la pluie de l’introduction servant ainsi d’avertissement. Tout transpire la pause et la citation ostentatoire : ralenti sur goutte de pluie, ralenti sur vêtement qui bouge, ralenti sur vêtement qui bouge avec des gouttes de pluie, etc etc. Le reste oscille entre spot pour eau minérale, pub pour parfum, et réclame pour téléviseur aux noirs intenses et contrastes chatoyants ; au ralenti bien sûr.

Et c’est lent, et c’est lourd.

Mais what's Wong with you?

Je dois tout de même reconnaître que deux ou trois combats font leur petit effet, mais au milieu d’un ensemble neurasthénique, ça pèse pas lourd. Heureusement que la beauté mélancolique de Zhang Ziyi sauve la majorité des plans, parce que s’il fallait compter sur Tony Leung —dont je suis d’ordinaire fan— venu errer le sourire en coin entre deux coups de tatane…

The Grandmaster(s) est donc au final un objet aussi vain que son esthétique, léchée, est stérile. D’ailleurs si le chef op de Kar Wai s’appelle Le Sourd (Philippe) c’est sans doute par péché d’onanisme professionnel. Les décors et costumes somptueux, les zolies lumières et la fumée c’est bien beau mais ça fait pas un film.

La déception est donc à la hauteur de l’orgueil affiché voire des prétentions historico biographiques vendues par le marketing français. Prétentions bien mieux atteintes par le Ip Man de Wilson Yip ; plus efficace et honnête.

C’est pas comme ça que le maitre s’élève.
real_folk_blues

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