The Grandmaster est tout de même un film pas mal raté.

La scène d'introduction d'abord, survendue dans la bande-annonce et sur l'affiche même du film, se révèle fade, profondément kitsch une fois à l'écran. Voir Ip Man se battre sous des trombes d'eau, avec une vitesse telle que les plans permettent difficilement de discerner les corps qui voltigent, et pire, au son d'un morceau aux accents rock très malvenus, font déjà grincer des dents.

Mieux encore, par la suite l'intrigue sinueuse ne permet pas de comprendre le tiers de ce qu'il se passe à l'écran. La première partie se focalise sur l'opposition Nord-Sud, sur les différents Kung-Fu et les différentes lignées correspondantes, à l'arrivée de la guerre civile. Certes. Mais les nombreux protagonistes de cette première partie viennent meubler ¾ d'heure de film avec pas grand chose pour au final qu'on s'arrache les cheveux à tenter de suivre qui est qui, qui veut quoi et pourquoi.

Wong Kar-Wai s'applique de plus à nous amener sur un plateau d'argent des scènes d'une beauté inouïe pour nous introduire des personnages qui au final n'auront qu'un rôle minime à jouer. Le personnage de La Lame ne semble être là que pour permettre au réalisateur d'apprécier deux-trois scènes de combat en plus, puisqu'on ne le voit à aucun moment rejoindre les principaux protagonistes. Il est là, il se bat, et disparaît comme il est arrivé, sans qu'on ait rien compris à son rôle dans l'histoire.

Du coup évidemment, arrivée à la moitié du film, j'étais moyennement conquise.

Mais la seconde partie du film approche de si près la perfection que je n'ai pu que fermer l’œil devant ces grands flous dans l'intrigue qui estompent l'intensité du film.

D'abord parce que Tony Leung et Zhang Ziyi y sont magnifiques. Wong Kar-Wai décidément sait filmer l'élégance de ses acteurs, la caméra semble sublimer une aura de majesté qui irradie d'eux de bout à bout du film. Lors des combats mais surtout lors de scènes plus intimes, les plans serrés sur leurs visages calmes ne fait qu'intensifier le message d'adoration que Wong Kar-Wai s'évertue à nous faire partager. Leur supériorité est distinguée à chaque plan.

Et puis il y a évidemment la beauté des plans et des couleurs. Alors certes les ralentissements se font très nombreux, mais lorsque c'est pour filmer des mouvements pareils avec des jeux de lumière et des couleurs aussi splendides, je reste bouche-bée et je me délecte en faisant Imprime écran dans ma tête, et je ne pose pas de questions. Et les critiques ciné ont eu beau s'amuser à dire de Wong-Kar-Wai qu'il sait filmer les gouttes de pluie, je retiendrai surtout qu'il sait filmer la neige. Bon sang cette séquence qui met en lumière tout l'héritage Gong est PARFAITE.

Alors si l'histoire en elle-même est racontée n'importe comment, et si suivre les personnages dans leur quête n'est pas le principal attrait du film, Wong Kar-Wai affirme que par ce film il souhaitait montrer le Kung-Fu comme une philosophie de vie basée sur un héritage, et non pas uniquement comme des luttes et combats. Et sur ce point il a parfaitement réussi.

Et puis la scène de référence à Il Était une fois en Amérique explique à elle seule mon indulgence. La musique d'Ennio Morricone. Dans un film de Wong Kar-Wai. Avec un clin d’œil à l'enseignement de Bruce Lee. LA PERFECTION.
Pukhet
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le 27 avr. 2013

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Pukhet

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