Voilà qui s’apparente à un grand retour. Après quelques années à errer entre un projet avorté d’une saga de films dédiés à une nouvelle version des aventures du Roi Arthur et une adaptation live d’Aladdin pour Disney, Guy Ritchie retrouve Londres et sa pègre dans The Gentlemen. Tout cela ressemble à un véritable retour aux sources, qui devrait ravir les fans du réalisateur.


Le spectateur retrouve rapidement un univers familier. Le pub, une ambiance aux couleurs brunes, la voix off, l’amateur retrouvera rapidement ses repères et renoue avec le plaisir de se lancer dans un film de Guy Ritchie, dans le registre qui, jusqu’ici, lui a sied le mieux. La disposition et la chronologie des éléments sera, comme d’habitude, assez désordonnée, pour que le cinéaste offre une exposition éclatée et désarticulée, qui nécessite toute l’attention du spectateur, qui ne devra décrocher une seconde sous peine d’être emporté par le courant d’un récit mené tambour battant.


Dans The Gentlemen, Guy Ritchie n’a pas perdu de sa verve, et l’amusement dont il faisait déjà preuve dans ses Arnaques, Crimes et Botanique, Snatch et RockNRolla est bien palpable. Un amusement qui se voit autant sur des effets visuels que dans cette éternelle faculté à déconstruire un récit pour mieux l’assembler ensuite, complexifiant pour mieux surprendre, égarant pour mieux faire comprendre. The Gentlemen, s’il peut, par certains aspects, être plus sage que ses prédécesseurs, ne sent pas le réchauffé pour autant, explorant d’autres perspectives dans la vision de la pègre londonienne, mais aussi dans la cinématographie de Guy Ritchie.


Les personnages principaux des précédents films (on parle ici principalement d’Arnaques, Crimes et Botanique, Snatch et RockNRolla) étaient souvent des losers, des petits bras qui voulaient se faire une place ou, simplement, empocher le pactole. Dans The Gentlemen, nous avons affaire à des hommes d’envergure, en haut de la pyramide, qui échafaudent les plans, mais qui savent, surtout, les exécuter. Ritchie prend de la hauteur, autant qu’il a pris de l’expérience depuis ces années. Et il est intéressant, donc, de voir que cette hauteur n’est pas prise que dans le cadre de la pègre londonienne, mais aussi de son propre cinéma, notamment à travers le personnage incarné par Hugh Grant, un paparazzi qui sert notamment de narrateur pendant une grande partie du film.


A l’image de Guy Ritchie, il orchestre le récit, il choisit quoi raconter et comment le raconter, quitte à déformer les faits, voire à y incorporer des éléments fantaisistes, pour son propre plaisir. On pourrait presque se dire que Ritchie s’incarne lui-même dans ce personnage, qui cite par ailleurs des références et des termes techniques liés au cinéma, et ayant écrit lui-même un scénario sur la base de l’histoire qu’il nous raconte. Dans ces scènes, c’est toute la dimension « méta » de The Gentlemen qui se manifeste, où Ritchie met en lumière le travail d’écriture de dialogues et de personnages, mais aussi de scénario, tout ce qui fait le ciment de ses films les plus célèbres, et du cinéma qu’il aime. Le jeune rebelle devient un vieux briscard, et à l’image de ses personnages, il n’est plus celui qui expérimente, mais celui qui conseille et qui transmet, tout en en ayant encore sous la semelle.


Il est amusant de voir cette prise de recul de la part de Guy Ritchie sur son propre cinéma, le mettant en perspective quelques mois après Quentin Tarantino dans Once Upon a Time… in Hollywood. Toutes proportions gardées, on ne peut s’empêcher de déceler des points communs dans la démarche des deux cinéastes, aux cinémas partageant d’ailleurs quelques points communs, deux anciens jeunes rebelles qui sont devenus des grands, expérimentés et assagis. Si la déclaration d’amour de Tarantino était totale, la démarche de Guy Ritchie permet à The Gentlemen de coupler ce retour aux sources à une introspection qui lui fait franchir un nouveau cap dans sa filmographie.


The Gentlemen ne constitue pas pour Guy Ritchie qu’un simple retour dans sa zone de confort. Tous les ingrédients du succès sont présents, entre le casting de haut vol, la maîtrise rythme, l’orchestration de l’intrigue, l’écriture des personnages, l’humour toujours aussi acide et impertinent… Il est certain que les fans de Guy Ritchie trouveront leur compte grâce à une recette qui fonctionne et qui offre un très bon moment.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

JKDZ29
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le 8 févr. 2020

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