Comment rater un film qui exploite les morts les plus idiotes du monde ? THE DARWIN AWARDS en propose un cas d’école, effarant fiasco qui n’arrive jamais à s’emparer de son idée pour en faire autre chose qu’une inscription sur sa pierre tombale : ci-gît un film qui ne rigole même pas de sa propre mort.


Sans doute n’avez-vous jamais entendu parler de THE DARWIN AWARDS de Finn Taylor (ou à la limite, seulement de ces prix sarcastiques qui honorent les plus stupides façons de mourir) ; et c’est tant mieux. Mais vous me direz : pourquoi diable parler d’un film qui ne vaut pas la peine d’être vu ? Peut-être par frustration. Par frustration de voir dans cette œuvre sans intérêt un hilarant film en germe. Et il est toujours fascinant de réaliser à quel point il est facile de rater un bon film. Certains diront que THE DARWIN AWARDS est victime de son ambition. Mais ce serait prêter des qualités à une œuvre qui n’a que son appétence pour l’échec comme ligne de conduite. L’originalité du concept – ou du moins, son potentiel comique – est rapidement éclipsé par l’incohérence de l’objet final, un étrange mélange de sketches englués dans un machin sans consistance qu’on appellerait ici une narration. Finn Taylor tente alors de faire cohabiter l’histoire d’un profiler traquant un serial killer avec une insipide enquête pour une compagnie d’assurance autour « d’accidents » étranges. Si l’étrangeté tient davantage à des individus qui meurent de leur propre stupidité, THE DARWIN AWARDS n’en propose qu’un faible aperçu en ne laissant jamais suffisamment de place – et de temps – à ces morts idiotes. Il n’était pourtant pas difficile d’en sortir un film efficace où la bêtise serait toujours pleine et complète. Mais le traitement – tout en académisme – annihile toute tentative de frappe comique.


Mort paisiblement au box-office, sorti de manière presque confidentielle en DVD et vite relégué dans les bacs promotionnels d’un supermarché de province, THE DARWIN AWARDS est pour ainsi dire mort-né dans l’oubli. Et à raison. Car même lorsqu’il essaie de traquer ce regard « crétin », THE DARWIN AWARDS apparaît périmé – passant après les comédies des frères Farrelly ou de films turbo-débiles comme Jackass ou Zoolander – et ce, même lorsque Taylor semble filmer par moments une sorte d’héroïsme dans la connerie. On n’y trouve aucune finesse, et pourtant, THE DARWIN AWARDS ne parvient jamais à être « rentre-dedans », à titiller gentiment cet humour aussi noir que l’aile d’un corbeau. Si le film avait accepté d’être un épisode chaotique de morts improbables et de crétins attachants, encore aurait-il pu prétendre au titre de comédie. Mais son scénario est tellement alambiqué qu’il nous trimballe d’incohérences en incohérences avec une exemplarité remarquable. Comment expliquer par exemple la présence d’un protagoniste caméraman qui filmerait un documentaire à l’intérieur même du film ? Est-ce là une volonté non-assumée du réalisateur de verser dans le found footage ou le mockumentary ? Pas vraiment ; d’autant plus que Finn Taylor n’adopte presque jamais le point de vue de la caméra diégétique dans sa mise en scène. Le cinéaste devait probablement passer plus de temps à consulter la page des Darwin Awards (à sa décharge, les anecdotes sont poilantes) que son propre moniteur : les cadres témoignent d’ailleurs d’un je-m’en-foutisme formel – du moins autant que le fond – et là encore, Taylor n’utilise pas son manque évident de budget pour construire une œuvre exubérante dans la connerie, « punk » et morbide. Le cinéaste ne sait tout simplement pas ce qu’il veut : soit le film manque cruellement d’intelligence, soit il oublie de sombrer dans une salvatrice stupidité.


Quoiqu’il en soit, THE DARWIN AWARDS ne semble jamais assumer le film de crétin qui est en germe en lui. Le manque d’alchimie entre les acteurs n’aide pas à sortir le film de la panade. Joseph Fiennes semble complètement perdu et à côté de ses pompes dans ce rôle de profiler qui ne supporte pas la vue du sang ; détail de caractérisation inutile pour un film qui l’est tout autant. Encore faut-il le voir s’introduire et s’embourber dans un harnais de douche improvisé pour comprendre l’envergure de la débâcle qu’est THE DARWIN AWARDS : une œuvre qui s’agite pour pas grand-chose, cherchant à se dépêtrer par la logique d’un récit qui n’existe que pour le déséquilibre et l’absurdité. A ses côtés, Winona Ryder apporte suffisamment de charme pour nous préserver d’une indigestion. Quant aux excellents acteurs secondaires (Ty Burrell ou David Arquette, entre autres), leur (trop) courte présence n’est malheureusement qu’illustrative. A noter également que Metallica fait acte de présence ; mais semble avoir du mal à feindre la surprise face au désastre auquel le groupe est en train de participer. Ce désastre, c’est un film qui, comme son personnage principal, cherche à prédire la bêtise, à l’anticiper, à la déconstruire. Curieuse idée tant celle-ci tend à aller contre le film lui-même. Pourquoi vouloir toucher à la raison dans une œuvre qui n’appelle qu’à la déraison et à la dérision ? On ne demandait pourtant pas la lune ; simplement un film suffisamment con pour toucher au cœur de son sujet. Et si le rire appelle parfois à la régression, THE DARWIN AWARDS n’exploite à aucun moment ce potentiel comique ; quitte à se donner la fessée et à se clouer dans son propre cercueil. Avec trop peu de sarcasmes. Et bien peu d’incidence sur nos zygomatiques. Comme quoi, même face à une vitre incassable, le risque de chute reste élevé ; tout comme un film peut passer au travers de sa « bonne » idée.


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le 27 juin 2021

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