En fait ce qui me dérange c'est la fin du film.


Reprenons.


Depuis 2 ans le jeune Bruce Wayne passe toutes ses nuits à tataner du voyou dans les rues de Gotham. Il est devenu un animal nocturne, à la limite de la criminalité.
Ça fait donc 2 ans que Batman observe - et castagne - la lie humaine de sa ville.


Or après le meurtre très Zodiaquien du maire de Gotham, Batman de retrouve impliqué dans l'enquête à la fois à cause de l'importance du meurtre pour la ville, des échos personnels qu'il suscite (le fils du maire se retrouve brusquement orphelin de père), et d'une série de lettres qui l'appellent explicitement à suivre les indices pour trouver le meurtrier.
Batman mène donc sa petite enquête qui lui permet de mettre à jour tout un réseau de corruption de hauts fonctionnaires de Gotham : le maire, le procureur, le chef de la police blanchissaient de l'argent pour le pire mafieux de la ville, via un projet social détourné qui avait été, comble, mis en place par le père de Bruce pour remettre Gotham sur pied.


Riddle a donc démontré à Batman, qui a démontré à son tour au reste du monde que la criminalité de Gotham était financée par la politique, la police et la justice de la ville qui avaient détourné un grand plan social pour se faire de la thunasse en masse.


Remarquons au passage que Riddle souligne à Bruce l'étrange et pourtant bien douloureuse inégalité de traitement des hommes en fonction de leur statut et de leur richesse : tous deux orphelins et du même âge, ils ont eu une enfance marquée par la mort de leurs parents, mais Riddle s'est aussi farci l'enfer de l'orphelinat pauvre - sa description donnée par un Paul Dano habité, dans la seule tirade du film où il a le temps de donner la mesure de son talent, est d'ailleurs glaçante.
Or, cette scène de confrontation entre Batou et Enigmou ne se conclue pas par un compatissant "Pauvre Ned, ça a dû être dur, il faut que de telles choses ne se reproduisent pas", mais par une montée de la violence et de la folie, parce qu'on doit d'abord retenir Riddle comme un personnage de fou recherchant désespérément une forme de reconnaissance.


Bien bien.


Par la suite Batman affronte une dernière menace, le petit groupe de fachos trumpiens qui suivent les idées délirantes de Riddle et veulent tuer la nouvelle mairesse socialiste dans une fusillade au milieu de la foule des citoyens de Gotham qui ont fui l'inondation de la ville provoquée par la destruction des digues (ce plan n'a aucun sens : les principales personnes qui mourront seront les citoyens lambdas alors que Riddle ne s'en est pris jusque là qu'à des hommes très précis et en raison de leur corruption).
Batou sauve la mairesse, participe toute la nuit au sauvetage des habitants de Gotham, devient un symbole d'espoir et non plus seulement de peur blabla fin du film.


Mais euh, en fait non.


Est-ce que ce n'était pas justement le bon moment de finir sur Bruce Wayne, au lieu de Batman ?


Depuis l'ouverture du film, et de façon très marquée, Batman est associé à la peur. Il a prouvé que la ville était corrompu par des politiques sans foi ni loi qui avaient détourné les projets philanthropes de son papa. Il a vu le mal que la pauvreté cause chez des personnes fragiles comme Riddle.
Et à la fin il retournerai tataner du voyou ?
Le film, qui se présente clairement comme politique, ne le nions pas, prend une position toute faiblarde à la fin. Il ne signale pas une évolution de la mentalité de Batman de procéder autrement dans sa lutte contre la criminalité de Gotham.
Non, à la fin il faudrait le voir en tant que Bruce Wayne, décidé à relancer la Wayne industrie et lutter financièrement contre la pauvreté et les inégalites qui produisent des gens comme Riddle, par exemple, je sais pas moi, en payant ses impôts. Le film a étonnamment bien montré en quoi le système américain de dons des hommes fortunés est foireux : il est soit hypocrite, pour se racheter une image à la Bill Gates, soit corrompu comme le projet de papa Wayne. Le film a montré par l'intermédiaire de l'enquête de Batman qu'une ville qui ne s'occupe pas de protéger socialement ses citoyens créé des fous (Riddle), des petits voyous pris dans l'engrenage de la violence (le gars au maquillage au début du film qui passe une sorte de rite d'initiation), des prostituées privées de liberté et tuées dans le désintérêt général (Annika, la mère de Catwoman).


Du coup c'est très bien de sauver la mairesse qui veut arranger tout ça, mais il faudrait aussi agir à un autre niveau. Je sais pas, par exemple avec toute la thune Wayne par exemple. Bruce passe son temps à dire qu'il donnerait sa vie pour sauver la ville, que l'argent il s'en bat les ailes ; ben voilà tiens tu pourrais aider à relancer et financer le service public pour commencer, en plus ça te permettrait de ne pas passer tes nuits dehors à surveiller les gens comme un stalker c'est flippant, et pendant qu'on y est dors un peu et mange correctement, non deux myrtilles au petit dej' ce n'est pas suffisant tu finis ton assiette maintenant tu arrête tes caprices.


Bref, c'est bizarre que le film n'aille pas jusqu'au bout du propos alors qu'il mettait vraiment le doigt sur des soucis réels du fonctionnement social et financier traditionnel américain : je donnerai moulti quand je serai assez riche, en attendant je vois pas pourquoi je paierai des impôts je me suis fait tout seul par la force de ma volonté - mon cul les mines de diamant de papa ou les études payées par les parents dans une faculté prestigieuse c'est pas la force de ta volonté c'est un avantage de naissance point barre il est temps d'assumer.
Le film ne va pas jusqu'au bout de son message. Il ne montre pas ce que devrait faire Batman et Bruce Wayne pour vraiment arranger les choses : arrêter les voyous qui piquent les sacs des petites vieilles, certes ; mettre en lumière les trafics, les corruptions et les chefs mafieux, certes. Mais aussi contribuer à ne pas seulement nettoyer les miettes tombées sur la table en les poussant du côté de la main jusqu'à la poubelle (magnifique métaphore du voyou envoyé en prison, n'est-ce pas?) : mettre une assiette pour que les miettes ne s'éparpillent plus (une vraie sécurité sociale, des services publics financés et efficaces, etc. Je sais ma métaphore est mollassonne mais j'écris au saut du lit).
C'était l'occasion de détacher Batman de son image de super-héros de droite, dommage.


A part ça bon film, super divertissant, Pattinson très bon. Un peu humide mais chouette à voir.

Kogepan
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le 3 avr. 2022

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Kogepan

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