Encore une fois DC se raccroche à Batman pour réconcilier le public et la critique. Après l'excellent Joker et ses retours dithyrambiques il a fallu attendre 2 ans et demi pour que je retrouve l'impatience de découvrir un film DC. En effet la suite oubliable de Wonder Woman, la surestimée Snyder Cut de Justice League et l'indifférence suscitée par le Suicide Squad de James Gunn m'avaient poussé à rester distant vis-à-vis de cet univers. Attendue depuis des années, cette nouvelle itération de la chauve-souris a connu de nombreux bouleversements -  retracer l'historique du film serait une tâche pénible tant il en a connu - et reports avant de débarquer dans nos salles. Une fois le projet fixé, Matt Reeves à la barre d'un film qui se concentrerait sur un jeune Batman interprété par Robert Pattinson et qui mettrait en valeur son côté détective, l'impatience émergeait. Elle a atteint son paroxysme avec les bandes-annonces qui vendaient un film sombre et riche, ce dernier point s'étant accentué à la révélation de cette durée conséquente de presque 3h. J'avais donc retrouvé la hype que j'avais ressentie avec le film de Todd Philipps et les premiers retours plus qu'élogieux ne faisaient que la renforcer. The Batman est-il alors le messie attendu ? Difficile de se prononcer, s'enthousiasmer autant pour un film peut facilement mener à une déception qu'on essaiera de nier. Je me dis de plus en plus que c'est mon cas après avoir néanmoins passé un bon voire très bon moment devant ces 3 heures, le sentiment que ç'aurait pu être encore plus grandiose me caresse...


Commençons par ce que nous pouvions observer dès les trailers: le visuel. Nous le savons depuis des mois mais certains plans sont magnifiques, malheureusement tous les plus beaux avaient été dévoilés. Nous avons droit à des plans iconiques, la vue subjective du Pingouin après que sa voiture a été renversée, nous révélant alors Batman à l'envers (comme une chauve-souris) ou cette plongée zénithale éclairée par une fusée de détresse alors que Batou vient de sauver d'innocents civils de la noyade. Des plans sublimes grâce à des lumières travaillées, un sens du cadrage souvent aiguisé et une photographie léchée. Tout ceci confère à Gotham une ambiance nocturne absolument prenante qui rappelle les jeux Arkham avec cette pluie abondante. L'atmosphère est pesante, nous sommes souvent emprisonnés avec les personnages dans des endroits confinés, le cadre s'élargit très peu. Même les séquences de jour sont d'une noirceur remarquable grâce à un étalonnage minutieux qui nous laisse profiter de couleurs ternes qui se prêtent parfaitement à l'esthétique de la ville du crime.


Cette beauté se mélange à des plans d'une grande classe quand il s'agit de filmer l'action. C'est ce qui péchait parfois dans la trilogie de Nolan, notamment dans Batman Begins, mais ici Reeves ne déçoit pas et propose des séquences d'action à la hauteur. C'est certes loin d'être parfait, les chorégraphies sont quelquefois molles et le découpage peut rendre certains passages illisibles mais c'est la plupart du temps savoureux. C'est réussi parce que le réalisateur n'hésite pas à faire un seul plan pour montrer Batman ou Catwoman qui tabassent quelqu'un. Ça manque parfois de dynamisme mais ce qui prime avec Batman c'est la puissance des coups et on la ressent bien. Le cinéaste réutilise un procédé qu'il avait utilisé dans La Planète des Singes, l'action éclairée seulement avec les rafales de fusils et le résultat est impressionnant. Nous avons également droit à une course-poursuite en voiture, la caméra collée à la roue ou à la place du rétro nous immerge dans l'action, c'est plutôt original et c'est très classe, je regrette peut-être le manque de plans plus larges.


L'intrigue comme annoncé prend des airs de films policiers en nous plongeant au cœur d'une enquête. Alors que The Dark Knight était une course contre la montre effrénée, le film de Reeves nous emmène avec un rythme plus lent dans les endroits glauques de Gotham à la recherche de ce mystérieux meurtrier. Tous les ingrédients du film d'enquête sont là, les indices, les fausses pistes, l'interrogatoire, c'est pour ça que le film est comparé à la référence de l'enquête moderne à savoir David Fincher. Le genre super-heroïque mêlé au genre policier est une association qui me plaît beaucoup surtout que cette enquête est très agréable à suivre. Les retournements sont de mise mais ne provoquent pas une grande surprise et on arrive rapidement à ce qui fait l'essence de Gotham, la corruption et les criminels qui gouvernent. Un peu de politique donc dans ce récit, ça tape également sur les réseaux sociaux, mais l'intérêt principal réside à mon sens dans l'implication de la famille Wayne dans l'affaire. Nous avons rarement vu au cinéma une intrigue qui touche directement à l'alter ego de Batman en impliquant sa famille. C'est une vision à laquelle j'accroche énormément et ça administre au film de vrais enjeux.


Les personnages jouent pour moi un rôle primordial dans les films de super-héros, d'autant plus quand il est prévu des spin-off sur certains d'entre eux. Avant de se concentrer sur le personnage éponyme, je vais focaliser mon attention sur les personnages secondaires. Nous avons le plaisir évidemment de voir ce cher Gordon, le seul policier honnête qui a ici une connexion bien établie avec Batman, qui forme un bon duo avec la chauve-souris, un duo qui ne sort pas des sentiers battus mais qui s'avère comme à l'accoutumée efficace. Le Pingouin campé par un Colin Farrell métamorphosé est totalement convaincant avec ses scènes à la Tony Montana et son charisme, dommage de ne pas le voir davantage. Je découvre le parrain Falcone qui n'a selon moi rien de vraiment spécial. Andy Serkis nous joue un Alfred qui pour la première fois est blessé, ça a énormément contribué à la création des enjeux évoqués plus haut, sa relation paternelle avec Wayne se ressent beaucoup mais il n'a pas la sagesse du Pennyworth de Michael Caine et il a surtout la malchance d'être totalement effacé du récit à partir du milieu du film. La promotion était pas mal axée sur Catwoman, à raison car j'ai bien aimé cette version du personnage. Une version vengeresse qui se trouve des origines que je ne connaissais pas mais qui manque de sensualité. En résulte une relation avec Batman assez platonique, qui manque d'alchimie.


Difficile de trancher entre Falcone et Riddler pour savoir qui est l'antagoniste principal mais ce qui est sûr c'est que celui que je retiendrai est le deuxième. Le Sphinx en français est un méchant que je n'apprécie pas particulièrement, le concept d'énigmes présenté dans la trilogie de jeux vidéos Arkham n'avait que peu d'intérêt pour moi. Mais ici ça se combine parfaitement à l'enquête et Paul Dano nous propose une interprétation terrifiante. Dès les premières minutes ce vilan rappelant Saw s'impose comme une réelle menace. Une introduction qui emprunte au genre du slasher et qui s'apparente à une séquence horrifique mettant en scène un tueur violent et effrayant. 10 minutes étaient passées et j'étais déjà convaincu par ce méchant. Un antagoniste qui a un but louable, qu'il atteindra à l'instar du Joker de Heath Ledger.


Logiquement The Batman c'est avant tout le film sur Batman, la chauve-souris la plus populaire et ni plus ni moins que le meilleur personnage de DC. Tout le monde s'est indigné à l'annonce de Robert Pattinson pour interpréter une jeune version de Bruce Wayne mais quelques personnes dont moi lui ont toujours fait confiance. Cet acteur qui a réussi à s'affranchir de l'image du vampire beau gosse de Twilight en tournant pour de grands noms tels que James Gray ou Christopher Nolan s'est illustré à de nombreuses occasions et son talent n'est plus à prouver. Il interprète donc fabuleusement ce Batman froid, sombre et torturé. Encore une fois l'entrée en matière du personnage est absolument grandiose, on sent que ce Batman qui veut inspirer la peur comme dans Année Un peut surgir de partout, la tension monte à chaque plan sur une rue obscure et la révélation du personnage (dévoilée dans la bande-annonce malheureusement) est prodigieuse, quel charisme, quelle présence, quelle puissance, quelle légende. C'est à base de craquements d'os, de répliques mémorables telles que "I'm Vengeance" ou "I'm not in the shadows... I am the shadows" et d'un Pattinson qui porte parfaitement le costume que le personnage nous est présenté, une introduction qui annonce la couleur de la plus belle des manières. Le personnage est souvent iconisé et jouit d'une belle évolution. Ce Batman qui n'a aucune autre ambition qu'inspirer la peur est devenu le super-héros fédérateur, le guide d'une Gotham inondée par la criminalité. Il n'est plus Vengeance mais Justice. L'aspect Bruce Wayne n'est pas très visible mais pourtant il est bien présent, effacé par l'esprit vengeur du Batman. Les deux finissent par se réconcilier au fil des révélations sur qui est vraiment cet orphelin. Ce jeune justicier hésitant aux allures de L de Death Note (Riddler correspond beaucoup à Kira d'ailleurs) qui remplit un journal intime comme Rorschach de Watchmen, une preuve selon moi qu'il ne sent pas super bien, est devenu sûr de lui et moins seul. En bref cette version de la chauve-souris sombre, parfois brutale, sublimée par Robert Pattinson me plaît beaucoup.


Mais donc qu'est-ce qui empêche ce Batman d'atteindre les sommets espérés ? Ce n'est pas un élément en réalité mais plusieurs distillés sur différents points. J'ai beau trouver l'évolution de Bruce Wayne réussie, je dois avouer que je préfère le presque anti-héros présenté au début à la chauve-souris sympa de Gotham tombé amoureux de Catwoman. De plus j'ai le sentiment que malgré les trois heures les personnages sont effleurés et pas assez creusés à part le Batman, ça doit tenir du fait que des séries sont prévues j'imagine. Certains plans sont somptueux certes mais le passage où on suit Wayne qui plane n'est pas très beau et certaines séquences sont peu inspirées au niveau de la mise en scène. Le dialogue entre Alfred blessé et Wayne n'est qu'un simple champ-contrechamp sans grand intérêt, cette séquence d'émotions méritait mieux. Les décors sont trop peu variés, on revient souvent dans les mêmes et aucun endroit n'est marquant ou mis en valeur. Enfin Matt Reeves tente quelques touches un poil humoristiques qui échouent, ce n'est pas très grave mais j'ai le souvenir d'avoir souri devant certaines scènes alors que ce n'était pas leur but. J'ai en tête le reproche que certains passages peuvent paraître ridicules mais aucun exemple ne me vient en tête, ça ne doit pas tant sauter aux yeux que ça.


Un goût amer persiste donc vis-à-vis de cette œuvre mais les attentes étaient sûrement trop élevées. Cette nouvelle adaptation du mythe Batman reste tout de même très convaincante et maîtrisée sur bien des points. DC a su nous offrir une vision sombre qui puise dans le film d'enquête pour mon plus grand bonheur. L'univers ainsi que l'atmosphère construits sont captivants et peuvent s'appuyer sur un visuel souvent d'une certaine élégance. Robert Pattinson incarne un protagoniste imposant et bien écrit, Paul Dano se distingue dans son rôle d'antagoniste qui n'a pas à rougir de Batman. Les autres personnages manquent de profondeur mais restent intéressants et si jamais suite il y a ce sera un plaisir de revoir ce beau monde. L'avenir de ce nouvel univers semble fleuri entre les diverses séries spin-off sur Gordon ou le Pingouin et l'arrivée probable d'une suite qui signerait l'entrée d'un nouveau Joker annoncé sans surprise en fin de film. Il faut juste espérer que DC gère mieux ce Batverse que son DCEU mais ça ne devrait pas être trop compliqué.

BestPanther

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