The Alpinist
7.7
The Alpinist

Documentaire de Peter Mortimer et Nick Rosen (2021)

Soit l’histoire de Marc André Leclerc, grimpeur depuis tout jeune, qui est l’un des rares passionnés à gravir roches et montagnes en free solo c’est à dire sans équipement. Le film en fait son portrait avant de faire le portrait de cette passion quelque peu suicidaire, passion qui ne supporte évidemment aucun faux pas. Ce qui est passionnant avec ce garçon, qui sera suivi deux années durant par l’équipe de tournage, c’est qu’en plus d’être carrément perché (sans jeu de mot) il est surtout très loin de tout, du monde moderne et de cette obsession pour les réseaux sociaux. Il grimpe pour grimper, comme s’il dialoguait intimement avec les sommets, mais jamais en guise de performance. Ce n’est même pas un modèle assidu pour les metteurs en scène, puisqu’il lui arrive de disparaître sans donner de nouvelles, des mois durant, de faire des ascensions sans prévenir. C’est aussi ce qui semble relever du free solo en règle générale et qui s’intègre doublement dans son appellation : la liberté et la solitude. Leclerc s’y tient, quand bien même il tienne un blog ou accepte d’être filmé pour un documentaire. Un moment il escalade une falaise (le mont Robson, je crois) et bat un record sans s’en rendre compte. Un record qui appartenait à Alex Honnold, qui, plus compétiteur et vexé, lui reprend aussitôt en le pulvérisant. Leclerc s’en tient là, comme s’il avait d’autres chats à fouetter, d’autres montagnes à gravir, d’autres défis supposés impossibles à réaliser. Ce n’est pas une compétition pour lui, c’est sa drogue. Sa petite amie (qui partage la même passion) nous confiera d’ailleurs que Marc André se droguait beaucoup avant de se droguer au free solo. C’est ce qui le fait tenir. Il a un rapport très étroit avec la mort par ailleurs, on sent qu’elle ne le terrifie pas. Il profite de ses repas avant de grimper car il sait que ça peut être le dernier. Si j’ai un reproche majeur à faire au film, c’est qu’il n’épouse dans sa forme à mon avis pas la personnalité de son sujet, personnage magnifique, hors du monde, du temps. La réalisation manque de légèreté et cumule les lieux communs : paysages en accéléré, musique trop présente, montage un peu bourrin, interviews sans grand intérêt, alors qu’il est si beau quand il est aux côtés du personnage, au-dessus du vide – d’ailleurs le film n’évoque jamais non plus la caméra (et donc le cameraman encordé qui doit galéré à faire ses plans) alors que c’est clairement son sujet : Comment filmer quelqu’un qui se fiche royalement de la caméra ? Lorsqu’il tente, en 2016, de gravir la Torre Egger (2685m) (son plus bel exploit puisqu’il est le premier à l’avoir fait en version solo en plein hiver) il s’y reprend à deux fois : la première fois il est filmé, la seconde non. Comme si la caméra l’en avait empêché. Vers la fin du film, les réas nous expliquent que durant la post prod, en 2018, ils ont appris que Marc André Leclerc était porté disparu en Alaska. Il grimpait à Juneau, avec un autre grimpeur et ils se sont vraisemblablement fait surprendre par une avalanche. On apprend sa mort comme ça, sans suspense, sans ornements. C’est bouleversant. Marc André Leclerc avait 26 ans.

JanosValuska
7
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le 25 mars 2022

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