The Act of Seeing with One's Own Eye
7.8
The Act of Seeing with One's Own Eye

Court-métrage documentaire de Stan Brakhage (1971)

Une étude des corps comme rarement il nous aura été donné l’occasion d’en voir.

Comme le dit si bien son titre, The Act of Seeing with One's Own Eyes (1971) du cinéaste expérimental Stan Brakhage, nous entraîne en plein cœur de l’horreur, au sein d’une morgue à Pittsburgh. On assiste littéralement à des séances d’autopsie, du prélèvement d’organes en passant par l’embaumement. Une immersion généralement réservée aux professionnels de santé ou aux étudiants en médecine et où, exceptionnellement, le commun des mortels y est convié (du moins, uniquement celles et ceux qui auront le cœur bien accroché).


Car Stan Brakhage ne nous épargne rien et filme dans toute s̷a̷ ̷s̷p̷l̷e̷n̷d̷e̷u̷r̷ son horreur tout le processus étape par étape. On voit le médecin légiste inspecter le cadavre sous toutes ses coutures, levez un bras, puis l’autre, lever une jambe, puis l’autre. Prendre des mesures, tâter le corps à tel ou tel endroit. Le sens du détail est tel que l’on parvient à deviner la rigidité cadavérique (on peut s’estimer heureux que le film ne soit pas en "Odorama").


Passer les 5 premières minutes, on voit arriver d'autres médecins qui s'affairent autour de plusieurs corps. Dès la 10ème minute, le film nous plonge dans une toute autre ambiance, avec le début des autopsies où les peaux s’étiolent, les coups de scalpels s'enchaînent, laissant apparaitre les muscles et les os. Les crânes sont scalpés, les boites crâniennes ouvertes à coups de scies circulaires, les cerveaux délogés de leur emplacement, les seringues sont là pour extraire les fluides corporels, les cages thoraciques retirées (coupées à l'aide d'une grande pince), les corps vidés de leurs entrailles, baignant encore dans leur sang. Les corps, délestés de tout superflu (les organes) paraissent bien léger lorsque les médecins les déplacent d’une table à une autre.


Ce film d’une trentaine de minute s’avère très intéressant, puisqu'il nous ait donné l'occasion de voir tout ce qu’il se passe au sein d’un institut médico-légal. Pour avoir déjà photographié bon nombre de morgues ces dernières années (les morgues _ P † _ S † _ L † _ & _ MB † _), pouvoir découvrir l'envers du décor et le travail des médecins légistes s'avère particulière saisissant, pour ne pas dire gerbatoire pour les plus fragile d'entre nous. Les gros plans sur les chaires putrides, l'intérieur des cadavres désossés, sur les organes prélevés et qui stagnent sur les balances, ...


Des séquences peu ragoûtantes, comme celles du scalpel qui laisse entrevoir l'intérieur de cette chair filandreuse ou ces scènes de scalpe où l’on a l'impression que la peau du visage se fait littéralement retrousser.


A l’image de sa carrière cinématographique, le cinéaste parsème son oeuvre de plans conceptuels, voir expérimentaux, dénué du moindre dialogue et réalisé en 16mm sans le moindre son, tout en évitant le voyeurisme malsain. Avec ce film, le réalisateur clôt la troisième partie de sa trilogie "Pittsburgh" (en filmant les institutions de cette ville), après la police avec Eyes (1971) et l’hôpital avec Deus Ex (1971).


Une œuvre résolument dérangeante et à ne pas mettre en toutes les mains. Une étude des corps comme rarement il nous aura été donné l’occasion d’en voir.


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le 16 nov. 2021

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