Malgré de très bonnes scènes et d’excellents comédiens, le film d’Eve Duchemin peine à sortir de l’anecdotique et apporter un regard neuf sur le monde carcéral. Formellement, le film est un peu basique et la mise en parallèle des trois destins laborieuse. Dommage.


Pour la première fois depuis longtemps, trois détenus se voient accorder une permission d’un week-end. 48h pour atterrir. 48h pour renouer avec leurs proches. 48h pour tenter de rattraper le temps perdu.


L’histoire de déroule sur deux jours pour un film qui dure deux heures. Une histoire se déroulant sur un laps de temps aussi court méritait-elle un traitement aussi long ? Certainement pas. La faute en incombe à la cinéaste/scénariste qui a fait le choix (inutile selon moi) de filmer trois histoires en parallèle. Peut-être souhaitait-elle offrir un panel de détenu diversifié (un jeune, un jeune père de famille, un père plus âgé qui a passé vingt ans derrière les barreaux). Mais pour enchevêtrer trois histoires, il faudrait faire preuve de virtuosité. Ici c’est loin d’être le cas. Eve Duchemin se contente d’aligner les séquences. Ainsi elles se suivent chronologiquement et comme les personnages ne se croisent qu’au début et à la fin, les intrigues ne se rencontrent jamais. On passe cinq minutes avec l’un, puis cinq minutes avec l’autre.


Les trois histoires sont inégales. Celle du jeune délinquant et du plus âgé sont définitivement moins intéressantes. L’histoire du jeune est mal écrite et les dialogues sonnent assez faux. Quand à celle du prisonnier sénior, elle est assez banale et ne raconte finalement pas grand-chose.


Ces deux histoires ne manquent cependant pas de bonnes scènes car Eve Duchemin réussit au moins une chose, c’est montrer la honte sociale. Celle que l’on exprime pour un fils ou un père qui est en prison. Il suffit de regarder comment la mère regarde son fils qu’elle a jadis aimé ou comment une fille interpelle son père alors qu’elle ne l’a jamais vraiment connu. Les regards entre les personnages, c’est ce qu’il y a de plus réussi dans le film. Face à ces regards qui font mal, les prisonniers n’ont peu de choix. Simplement ne rien dire comme le jeune rebeu, prendre la fuite comme le prisonnier sénior ou tout faire pour oublier comme pour le personnage de Bonnard.


L’histoire de Bonnard est la meilleure des trois histoires. C’est assurément la mieux écrite et la plus émouvante car elle concentre tout ce qui a d’intéressant dans les deux autres récits. Il y a le couple brisé par le départ en prison, la relation avec le fils qui est à reconstruire, le regard accusateur du père et l’insupportable regard que les autres portent sur vous. Même la mère aimante commet certaines maladresses. Ce week-end en liberté semble être une torture pour les trois prisonniers. Ne sont-ils pas plus à l’aise dans la bulle de la prison ?


Les acteurs sont assez inégaux. Mais une fois n’est pas coutume, j’ai trouvé Karim Leklou vraiment excellent. Il était excellent dans ‘Le Monde est à toi’ de Romain Gavras ou dans ‘Bac Nord’. Là, je l’ai trouvé absolument remarquable. Une critique du Masque et la Plume l’a comparé à Jacques Villeret. C’est assez vrai, il en a la bonhommie, la fêlure. Parmi les seconds rôles, il y a Johan Leysen assez bouleversant de dureté et Blanka Ryslinkova touchante de maladresse.


Le bon et le moins bon se côtoient dans se film pas indispensable, mais pas totalement raté non plus. Inégal.


Noel_Astoc
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le 17 mai 2023

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Noel_Astoc

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