Le succès critique quasi unanime de "Taxi Téhéran" est un phénomène stupéfiant, sauf à considérer que la situation politique et personnelle de Panahi dans son pays, évidemment indiscutable, inadmissible, le dédouane complètement de faire du bon cinéma, lui que les monstres qui gouvernent l'Iran tentent de réduire au silence. Je n'ose imaginer la volée de bois vert qu'un film américain de ce calibre aurait reçu en Europe ! Reprenant sans vergogne le dispositif conceptuel imaginé par l'immense Kiarostami dans "Ten", Panahi nous assène 1h20 d'une laborieuse leçon de politique et de morale, sans même parler de cette complaisance qu'il affiche vis à vis de sa propre œuvre, constamment référencée comme s'il s'agissait du seul commentaire pertinent sur son pays. En faisant jouer à des acteurs des "personnages" présentés comme des "vrais gens", qui ne servent qu'à énoncer scolairement les messages de Panahi (je pense par exemple aux insupportables pitreries de sa nièce chargée de nous démontrer de la manière la plus claire possible que la vision des Mollahs sur la censure est stupide), ce dernier ne fait jamais œuvre de Cinéma, et fait seulement preuve du minimum syndical en matière de réflexion théorique (le pare-brise comme écran de cinéma, on a compris !). On aurait même envie d'accuser Panahi de manipulation sans vergogne de son spectateur, puisque, loin de jouer du trouble théorique entre réalité et fiction (comme Kiarostami...), il se contente d'en appeler en permanence à notre complicité présumée, tout en en abusant grâce au mécanisme de son film : la conclusion, digne d'un thriller paranoïaque US, mais en plus faux si possible, porte le "trucage" fondamental du film à son apogée... Ceci dit, le pire est quand même la frustration que l'on ressent devant quelques images fugaces de la réalité de Téhéran rapidement entraperçues à travers les vitres du taxi (images plus touchantes que les singeries des acteurs qui défilent dans le taxi), juste avant que les marionnettes de Panahi ne recommencent à pérorer... Abbas, où es-tu ? Reviens-nous ! [Critique écrite en 2015]

EricDebarnot
3
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste 20 films que tout le monde a l'air d'aimer, et que je déteste !

Créée

le 19 avr. 2015

Critique lue 2.9K fois

56 j'aime

22 commentaires

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 2.9K fois

56
22

D'autres avis sur Taxi Téhéran

Taxi Téhéran
EricDebarnot
3

Laborieux et faux...

Le succès critique quasi unanime de "Taxi Téhéran" est un phénomène stupéfiant, sauf à considérer que la situation politique et personnelle de Panahi dans son pays, évidemment indiscutable,...

le 19 avr. 2015

56 j'aime

22

Taxi Téhéran
yaya-dc
8

Diffusable.

Le regard fixé vers les rues de Téhéran et l'oreille bercée par la musique avant d'être tous deux orientés vers les passagers de ce taxi qui parcourt la ville. De ce taxi ne sortiront ni les caméras...

le 30 mars 2015

41 j'aime

1

Taxi Téhéran
Vivienn
8

Générique

Impossible de parler de Taxi Téhéran sans évoquer son réalisateur, Jafar Panahi. Déjà parce que l’iranien prend un malin plaisir à se mettre lui-même en scène à chaque nouveau long-métrage, mais...

le 7 avr. 2015

28 j'aime

7

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

204 j'aime

150

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

190 j'aime

104

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

184 j'aime

25