Journal intime d'un homme moderne

A la fin des années 60, l’orée du Nouvel Hollywood a vue imposer la déferlante de thématiques jusqu’ici soumises aux codes moraux d’une Amérique puritaine et soucieuse de sa propre image. Avec cette génération, c’est la mise en image des réflexions profondes des années 70 : la violence, le sexe, la liberté, tels exemples de questionnements d’une société américaine baignée par les traumatismes du Vietnam, du Watergate ou de l’assassinat de Kennedy.


Film à l’heure de son époque, Taxi Driver est autant un film générationnel, iconique d’une décennie et de son rapport au monde, qu’un film profondément visionnaire.
Prenant place dans un New York pouilleux et soumis à la vision pathologique de son protagoniste, l’histoire de Travis Bickle, jeune vétéran du Vietnam devenu chauffeur de taxi, se définit comme un polar filmé tel un western moderne.
L’histoire d’un homme seul, confronté aux forces du mal qui l’entourent, dans un monde soumis aux vices et aux péchés, dont la quête christique mettra sur sa voie la jeune Iris, adolescente qu’il tentera de sauver des griffes d’un dangereux proxénète. Tel est le Taxi Driver de la vision psychotique d’un américain contemporain, à mi-chemin de Charles Manson et de Saint Paul.


Film d’une très grande qualité picturale, Martin Scorsese, tirant la grande richesse du scénario de Paul Schrader, installe une tension psychotique, palpable et suffocante. Sa mise en scène sobre et réaliste, très inspirée par des mentors comme Cassavetes ou Antonioni, dépeint la représentation d’un monde réaliste mais défini par la perception de son protagoniste. Véritable centre moteur du film, sublimé par la performance d’un De Niro qui ne sera dépassé que dans un Raging Bull, Travis se fait l’écho d’une Amérique traumatisée et incapable de se définir dans un monde en mouvance. A la fois enfant de son époque tout en la détestant, consommateur de pornographie mais animé d’une pureté fasciste, auto-prophète d’une quête purificatrice par la violence, Travis se définit comme le symbole de la pureté américaine perdue; la victime d’un monde contemporain, ici celle de la guerre du Vietnam, dont la retranscription psychologique se sublime par la bande originale de Bernard Herrmann.


A la fois peinture sociale d’un New York obsolète mais aussi portrait d’un Don Quichotte des temps modernes, Taxi Driver fut la porte d’entrée du héros américain moderne : un être psychotique victime des pathologies de la modernité, dont on retrouvera des traces chez un Tyler Durden ou autre John Doe…

Créée

le 3 sept. 2018

Critique lue 1.1K fois

38 j'aime

18 commentaires

Wirn

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

38
18

D'autres avis sur Taxi Driver

Taxi Driver
Kobayashhi
9

La prostituée et le Chauffeur de Taxi. La Scorsese

"All the animals come out at night - whores, skunk pussies, buggers, queens, fairies, dopers, junkies, sick, venal. Someday a real rain will come and wash all this scum off the streets. " C'est par...

le 15 oct. 2014

155 j'aime

3

Taxi Driver
DjeeVanCleef
10

Un Prophète.

On pourrait disserter des semaines sur les qualités de ce film, un pur chef-d’œuvre, peut être même le seul vrai joyau de Scorsese. Celui qui, sous mes yeux, dans mon cœur brillera pour des millions...

le 29 sept. 2013

135 j'aime

25

Taxi Driver
JimBo_Lebowski
10

Le Solitaire

Mon expérience avec Taxi Driver a commencée dans une salle de cinéma de quartier il y a 15 ans, tout jeune lycéen ouvert à l'œuvre des Kubrick, Tarantino, von Trier et autres P.T. Anderson, j’étais...

le 27 oct. 2015

131 j'aime

9

Du même critique

Il était une fois dans l'Ouest
Wirn
10

Le Western comme dernier western…

Tournée en 1968, soit la même année que 2001 l’Odyssée de l’Espace, ce film devait être pour Leone, après sa Trilogie du dollar, la promesse de la Paramount pour la réalisation du projet qui lui...

Par

le 27 févr. 2018

40 j'aime

21

Les Frères Sisters
Wirn
3

Bienvenue chez les Ricains !

Très peu présent dernièrement dans les salles obscures tant l’offre contemporaines des productions cinématographiques me donnent un intérêt assez inexistant, c’est avec un fort a priori négatif que...

Par

le 29 oct. 2018

39 j'aime

29

Taxi Driver
Wirn
10

Journal intime d'un homme moderne

A la fin des années 60, l’orée du Nouvel Hollywood a vue imposer la déferlante de thématiques jusqu’ici soumises aux codes moraux d’une Amérique puritaine et soucieuse de sa propre image. Avec cette...

Par

le 3 sept. 2018

38 j'aime

18