Ce nouveau Tarzan laisse une drôle d'impression. S'il n'est pas désagréable à regarder, il ne laissera pas pour autant un souvenir impérissable à son spectateur. Celui-ci gardera certainement en tête les efforts louables d'inscrire ce Lord Greystoke new look dans un contexte historique relativement réaliste, puisque le film prend pour cadre le Congo de la colonisation. Loin d'entamer un quelconque discours, cette circonstance permet pourtant à David Yates, au détour de quelques plans, de faire évoluer des peuples loin des clichés du bon sauvage. Il met aussi en scène les rafles d'esclaves sacrifiés et, surtout, les véritables saignées économiques d'une région déjà en sursis en proie à l'avidité occidentale.


Le spectateur, ensuite, rendra grâce au scénariste de ne pas s'appesantir sur les racines archi connues du héros de Edgar Rice Burroughs, qui ne seront abordées que par des vignettes envisagées comme flashbacks, permettant de ne pas surcharger le film et de ne pas lui faire prendre la route déjà balisée de l'origins story. Et le spectateur mâle, enfin, ne dédaignera certainement pas retrouver la toujours aussi jolie Margot Robbie dans le rôle de Jane, qui tient ici une place de choix au sein du long métrage aux côtés de son homme. Tout cela pour un film en forme de voyage sur la terre de leur enfance qui se laisse suivre sans mal, pourvu de beaux décors et qui prend sa source très approximative dans quelques éléments des bouquins de Burroughs. Atout supplémentaire, le bestiaire est varié, assez bien rendu et se révèle en être la principale attraction.


Pourtant, le film, aussi agréable soit-il sur le moment, n'arrivera pas à étouffer la frustration qui, peu à peu, gagne celui qui a payé sa place. Car Tarzan souffre, finalement, d'un manque d'aventure assez flagrant et d'un souffle très court au niveau de l'action. Non content de se faire constamment latter la tête, Alexander Skarsgard peine largement à incarner la majesté et la force de l'homme singe alors qu'il est pourtant rendu à son élément naturel. Son manque de charisme ne l'aide pas dans son entreprise, son jeu encore moins, au point qu'il échoue à traduire un quelconque retour à l'animalité. Quant à ses capacités physiques, il ne fait rien que les indigènes ne font pas : il court sur les branches ? Ceux qui l'accompagnent le font aussi. Il se jette dans le vide ? Eux aussi. Il se balance sur des lianes ? Idem. Tout cela fait que Tarzan est donc ici totalement dépourvu de son aura héroïque.


La faute en incombe aussi en grande partie à David Yates. Ce réalisateur en moufles qui avait déjà torpillé la franchise Harry Potter en l'illustrant de manière impersonnelle et molle, où une noirceur factice avait laissé place à un ennui profond. Il récidive ici sur Tarzan, là où, pourtant, l'épique et l'aventure devraient être les maîtres mots. Car David Yates filme les péripéties que traverse son héros de manière très plate et convenue, sans aucun souffle, sans aucune grandeur. Au point d'imaginer un petit fonctionnaire sans âme dont on devine qu'il s'emmerde à cent sous de de l'heure derrière sa caméra. Yates arrive même à foirer les images fortes et iconiques qu'il aurait pu tirer, comme cette rencontre avec les éléphants, filmée de tellement loin qu'il ruine la scène, à l'opposé d'illustrations telles que celles de Boris Vallejo ou Joe Jusko.


Quant aux scènes d'action que l'on est légitimement en droit d'attendre dans pareil film, les préliminaires sont à peine entamés que résonne déjà le bruit de la douche, tant l'éjaculation est précoce. Yates semble les redouter, et surtout, en finir le plus vitre possible dans un ouf de soulagement. Ainsi, le duel entre Tarzan et son frère de lait avorte en deux coups de poings, avant qu'il ne se fasse défoncer par l'animal. La scène avec les hippopotames promettait, elle est malheureusement terminée en quelques fractions de secondes, laissant sur sa faim l'amateur de grand spectacle. Il faudra au spectateur attendre la scène finale et sa charge de gnous cgisés pour enfin se mettre sous la dent quelque chose de consistant et ainsi, enfin, échapper à la castration systématique du spectacle. Assez gênant quand on s'appelle Tarzan, non ?


Et c'est avec regret que l'on se rend compte que Tarzan n'aurait jamais dû être confié à un réalisateur aussi timoré et anonyme que David Yates. Car les bases du projet étaient pourtant saines. Et en d'autres mains plus capables, sûr que le héros de Burroughs aurait pu atteindre un autre statut que celui de produit passe partout, pas désagréable mais frustrant, vite oublié une fois la porte de la salle franchie.


Même s'il compte à son casting la jolie Margot Robbie...


PS : Je me demande si c'était voulu, le coup du Capitaine Moulle, pour commander une escouade de l'armée belge...


Behind_the_Mask, qui a mis son slip panthère au lavage.

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le 8 juil. 2016

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