Sans la partition superlative de Cate Blanchett et sans ses partenaires de jeu, tous parfaits, difficile de savoir si on aurait tenu devant TÁR, parce que le reste du film peine à convaincre et sonne surtout comme une succession engoncée de clichés formels. Là où un Whiplash trouvait sa force brute dans le façonnage radical de tous ces clichés pour servir son propos et aller à l'essentiel, TÁR ne fait que reproduire les formes pompeuses d'un Black Swan en y juxtaposant l’esthétique gris-beige à la mode actuellement, tout en rallongeant au maximum sa durée et en diluant son propos au passage. Au moins, le film ne dit pas "rien". Il dit simplement des choses banales : on perd vite sa réputation, l'amour et le pouvoir peuvent pousser aux pires folies, le succès rend con, plus on vieillit plus on devient aigri, etc, etc. Poncifs sur poncifs. Portes ouvertes sur portes ouvertes. Pire ; TÁR a beau faire croire qu'il parle de musique, le film ne semble pas savoir la mettre en scène, ni la comprendre. Elle devient finalement un accessoire, une toile de fond. Todd Field y substitue de longs discours sur la musique, des logorrhées absconses et excluantes, des anecdotes musicales comme on étalerait sa culture-confiture pour faire illusion, des effets de manche sonores et des clichés de montage tout sauf subtils.
Quant au principe de faire du personnage principal (une dangereuse bête de pouvoir psychotique, manipulatrice, égocentrée et dominatrice) une femme, on a malheureusement plus l'impression de se retrouver devant White Man et son concept foireux, que devant Les Promesses. À moins que Todd Field cherche à nous faire passer un message ? On n'ose y croire.