Taps (1981) anticipe curieusement le film Dead Poets Society que réalisera Peter Weir huit ans plus tard : soit un groupe d’étudiants qui, marqués par la figure d’un pédagogue et par les valeurs qu’il leur transmet, décident de défendre une tradition de pensée menacée de toutes parts. Dans les deux cas, l’éducation met en avant l’honneur de l’individu et encourage ce dernier à s’émanciper de ses parents ; dans les deux cas, le combat évoluera en tragédie et se soldera par le martyre d’une jeunesse rattrapée par la violence du monde et la faiblesse de sa condition de mortel.
L’intelligence du film d’Harold Becker réside dans son démantèlement de la fabrique du héros militaire, prêt à sacrifier sa vie pour défendre un idéal communautaire auquel il croit ; fabrique du héros tout à la fois claironnée lors du premier acte puis démystifiée par la suite. Les enfants et les adolescents apparaissent aussitôt ambigus, tiraillés entre une dépendance à l’égard d’un supérieur hiérarchique vénéré – on boit les paroles du général, on projette ses exhortations sur un écran tel un acteur de cinéma –, une foi véritable en un modèle idéologique qui les définit et une immaturité résultant de leur âge. Ils jouent à la guerre comme à un jeu d’adultes, subissent en retour la cruauté d’adultes qui ne les reconnaissent plus comme des enfants mais comme des ennemis, en dépit des discours lénifiants diffusés le soir pour les manipuler. Voir un des leurs périr fait couler les larmes, celles qu’un père interdisait à son fils endeuillé (quinze minutes et c’est tout), convoquant la polysémie du titre, à la fois sobriquet signifiant « militaire » et robinet. Pour autant, il ne s’agit pas de condamner l’armée, qui offre une discipline et un cadre porteurs de valeurs ; la représentation des civils appuie sur leur irrespect et sur leur oisiveté stérile qui déclenche des rixes inutiles.
La réalisation de Becker choisit un classicisme mimétique de la rigueur de l’environnement qu’elle investit, ce qui ne l’empêche pas de concevoir çà et là des plans mémorables à l’instar de l’évacuation des soldats dans des nuées de gaz ou des deux accidents par balle. Le long métrage est aussi l’occasion de découvrir Tom Cruise et Sean Penn à leurs débuts ; tous les deux s’avèrent convaincants, épaulés par Timothy Hutton et le charismatique George C. Scott. Une réussite injustement méconnue qu’il convient de réhabiliter sans tarder.