Après "Wall Street", Oliver Stone devait réaliser "Né un 4 Juillet", mais Tom Cruise s'était engagé entretemps à faire "Rainman".
Donc, pour éviter de se tourner les pouces, le réalisateur a jeté son dévolu sur une pièce de théâtre inspirée de la naissance des radios libres, où l'auditeur pouvait libérer sa parole, le plus souvent empli de fureur, de colère.

En voyant le film, il est impossible de croire que c'est issu d'une pièce, car la majorité du temps se déroule dans un studio de radio, le reste se situe soit dans l'appartement de Barry, ou dans des endroits publics.
Si l'histoire est inspirée d'un animateur précurseur de la radio trash, inconnu chez nous, on pourrait le comparer à Howard Stern ou, pour un équivalent local, à Maurice dans les années 1990.

Ce personnage, qu'on peut détester, est souvent très agressif avec ses auditeurs, les jette quand il ne les supporte plus, n'hésite pas à les insulter, ce qui paradoxalement attire les gens les plus déséquilibrés de Dallas à écouter son émission de libre antenne.
Même si on comprend peu à peu pourquoi il est constamment désagréable, le spectateur peut éprouver une certaine distance, et cela, Eric Bogossian (qui coécrit et coproduit le film) le rend très bien en empêchant toute empathie, toute envie de le rendre sympathique, ce qu'il paiera à un moment donné.

Ce film d'Oliver Stone, réalisé très vite, a encore une fois sa patte, sa rage de l'époque contre un système, celui qui veut empêcher un homme de parler, qui veut en quelque sorte le standardiser, mais sa forte tête a raison de la volonté de ses patrons.
Le fait que tous les acteurs soient quasiment inconnus (y compris Alec Baldwin, sorti des séries Tv comme Côte Ouest) ajoute aussi à la force du film, car représentent une forme de vide, et ce sont surtout les auditeurs qui fournissent la chair à canon à l'animateur.

Cet animateur, menacé de toutes parts par sa liberté de ton (il reçoit des menaces de mort, des lettres d'insultes, on l'attaque sur sa judéité...), ose un soir accueillir un auditeur sur son plateau, et au lieu de le craindre, car il apparait comme défoncé, l'attaque sur ce qu'il représente en tant qu'américain des années 80. Mais ses diatribes n'ont pas d'effet sur un homme pas tout à fait dans ses pompes.

On peut aussi tourner le problème dans le sens inverse et dire que ce sont les auditeurs qui font ce que l'animateur est ; il persiste à les provoquer, et leurs folies, leurs noirceurs, leurs envies de suicide, deviennent propres à lui, dans un fantastique monologue, filmé comme au cœur de la folie.

Je dois avouer que je ne connaissais pas ce film, honte à moi en tant que grand amateur d'Oliver Stone, mais il est à classer dans mes favoris, car son apparente simplicité en cache quelque chose de beaucoup plus profond sur l'Amérique, le pouvoir des médias.
Boubakar
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le 20 janv. 2012

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Boubakar

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