Je n'ai pas appris grand-chose en regardant ce docu.
La cigarette est mauvaise pour la santé, mais les industriels se planquent derrière leur petit doigt avec des arguments au mieux hypocrites ("ah bon des enfants consomment nos produits ??"), au pire franchement ridicules ("vous savez, la compote de pomme aussi peut tuer, si on en mange trop").
Tout ce petit monde est régi par l'argent. Un employé résume le cynisme ambiant avec une simplicité déconcertante : il y a d'un côté les risques, et donc des pertes potentielles directes ou indirectes par le biais de dégradation de l'image ou bien sûr des différents procès de consommateurs de plus ou moins bonne foi qui découvrent le mal qu'on leur a fait et amendes des autorités publiques qui ne semblent souvent guère acharnées à faire respecter leurs propres lois (l'exemple de la vente aux mineurs dans la plupart des bureaux de tabac).
De l'autre, les bénéfices faramineux effectués sur le long terme et sur le dos des accros pris de plus en plus au berceau, y compris avec des produits spécifiquement destinés à leur conversion.
Si la société estime qu'il y a plus de bénéfices à faire que de pertes, elle y va.
Enfantin, limpide.
Je ne vais pas dresser la liste de ce que je sais et ce que la plupart d'entre vous sait pertinemment.
Car c'est finalement plus en périphérie du phénomène que se cachent les découvertes les plus intéressantes.
Pourquoi on choisira l'Indonésie comme nouvel Eldorado, pays recordman du monde de la conso de cigarettes et où l'on estime aujourd'hui que 50% de la population est menacée de mourir prématurément des suites du tabagisme.
Comment les conséquences pèsent sur l'ensemble de la société, par les traitements nécessaires aux fumeurs les plus touchés, et pourquoi, logiquement, dans certains pays ne bénéficiant pas de la même couverture sociale que chez nous, ce sont une fois encore les pauvres qui meurent.
Qui sont ces célébrités qui, elles aussi, oublient (ou feignent de) ce qui se cache derrière l'argent qu'elles acceptent pour représenter telle ou telle marque.
Coucou Superman, Stallone, Delon, Hallyday et, ô désespoir, Amélie Poulain...
L'intelligence des industriels qui, loin de souffrir des restrictions qui leur sont imposées, en jouent depuis des décennies.
Les messages "fumer tue" ? Leurs études internes montrent que c'est un facteur de croissance grâce à l'image de rébellion véhiculée (argument commercial utilisé de longue date pour vendre les bâtons de mort).
Dès lors, comment s'étonner de les avoir vu accepter somme toute assez facilement ces restrictions, avec une schizophrénie frappante : la publicité s'affuble des mentions légales rappelant les risques sanitaires, mais aussi de messages de prévention "faites-vous aider pour arrêter". Touchant, et le consommateur se sentira sûrement rassuré par tant de sollicitude.
Conquête rapide et totale des nouveaux médias : les consommateurs eux-mêmes.
Coeur de cible, car source de futurs clients fidèles, la jeunesse. Les 15-25 ans usent et abusent de réseaux sociaux ? Parfait, laissons-les véhiculer l'image de la marque via des "Tobacco reviews" sur Youtube, postées par les intéressés sans même avoir besoin d'incitation. De la publicité gratuite directement entre camarades de collège, que demander de mieux ?
Tous les moyens sont bons, mais les meilleurs restent encore les plus insidieux.
Éloise, 16 ans, le résume très bien : les nouveaux rebelles, ce sont ceux qui ont la force de résister.
Les fumeurs représentent 2/3 de son entourage. Ils sont devenus la majorité, la normalité, ce sont les faibles, ceux qui suivent le troupeau. La cigarette, facteur d'insertion, une fatalité qui n'a jamais été aussi vraie. Le taux de fumeurs chez les ados remonte depuis 2007 sans explication claire, après une baisse continue.
Quid de la mobilisation des pouvoirs publics ?
Je le disais plus haut, il y a lieu de s'interroger sur la relative facilité avec laquelle les lobbies, pourtant excessivement puissants, se sont laissé imposer les messages de prévention et visant à effrayer le consommateur.
Là où Philip Morris pouvait empêcher dans les années 70 la diffusion d'un documentaire choc par une chaîne nationale anglaise, ne saurait-il agir de nos jours, où l'industrie du tabac n'a jamais été si florissante, portée notamment par les pays pauvres et/ou émergents ?
Nonobstant une part de démagogie à mettre au compte de Moreira, il est également dérangeant de voir les libertés prises par ces mêmes industriels avec le journaliste. Dans un pays comme la France, on ne peut que s'étonner de ce genre de dérives, qui prouvent pourtant bien l'impunité dans laquelle pensent baigner les producteurs et fabricants, et que rien ne vient apparemment démentir.
Ce double discours ne cessera sans doute jamais, mais il reste important de le garder à l'esprit, et le docu y réussit, entre autres choses.
Émaillé de quelques facilités, il constitue néanmoins indéniablement une synthèse bien dosée, et diablement perturbante.
Prévoir un bon remontant après. Plutôt un film joyeux si possible, car l'abus d'alcool est...
