On suit le quotidien de ces femmes en exil, en longs plans séquences immersifs témoignant de l'attente ou d'instants plus empressés. Le film ne cherche pas vraiment à être explicite sur la situation réelle du conflit, et les turbulences qui secouent ailleurs les familles ne sont pas toujours très lisibles. Le propos n'est pas là, il se concentre sur l'épreuve de l'instant et la cohésion de la petite communauté, sa dignité. Wang Bing est toujours à bonne distance, au coeur du groupe (tassé parfois à hauteur d'enfant dans la remorque...), toujours pudique quand certaines jeunes femmes recherchent l'intimité ou sont gagnées par un accès d'émotion trop intense. Il les accompagne avec bienveillance comme s'il était membre à part entière de leur itinérance, pour les quitter à terme une fois assuré d'une certaine mise à l'abris. Un naturel total se lit sur les visages, les regards caméra ne troublent aucunement les comportements. Deux grandes scènes quasi irréelles émaillent le film: celle du feu de camp rougeoyant où tout le monde communique (superbe plan avec toute la petite famille alignée les uns contre les autres, les enfants rigolant entre eux), et celle de la jeune mère (qui a des douleurs, est fatiguée et se sent amaigrie) discutant à la chandelle avec une sourd-muette. Mais la temporalité de la dernière séquence avec cette attente en bord de chemin, tandis que le chant des oiseaux laisse place aux détonations de mortier se précisant au loin, est non moins gagnée par un sentiment d'étrangeté. Peut-être est-ce cela aussi l'exil, une complète distorsion des repères, du réel.


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le 15 sept. 2023

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