Comment parler de Jeux-vidéos ? Il faut savoir que l'essor du jeu vidéoludique cohabite parallèlement à l'essor du Blockbuster. L'industrie de jeux vidéoludiques s'est accéléré pendant la seconde moitié des années 70 via les bornes d'arcades, dans un premier temps, puis via les consoles de salon dans un deuxième temps. Cette essor a bénéficié du progrès technique (en terme de graphisme et d'intrigue) qui a grandement rapproché le jeu-vidéo du cinéma. Quand on parle de la relation entre le jeu vidéo et le cinéma, on a toujours en tête une sorte de hiérarchie, qui placerait le cinéma au dessus du jeu-vidéo. Ce rapport et cette hiérarchie sont vrais pour la période qui s'étend de la fin des années 70 à la fin des années 90. Cependant, plus le temps a passé, plus le temps a suivi son cours, plus les graphismes des jeux-vidéos se sont bonifiés, plus le cinéma a progressé vers le numérique, plus la passerelle entre jeu-vidéo et cinéma s'est consolidé. [...] Pendant très longtemps, quand on parlait de relation entre cinéma et jeux-vidéo, surtout quand on parle d'adaptation de jeux-vidéo au cinéma, et on parlait de très mauvais films. Mais plus on a avancé, plus le lien s'est ré-équilibré, et on a assisté à un double phénomène: un phénomène de convergence et d'inter-pénétration. Progressivement, les thématiques du cinéma sont devenus les thématiques du jeu-vidéo, les thématiques du jeu-vidéo sont devenu les thématiques du cinéma. Pas de panique, si vous êtes spécialiste en cinéma et que vos élèves s'y connaissent mieux que vous en jeu-vidéo, ce n'est pas grave, l'enjeu n'est pas d'être spécialiste de jeux-vidéos, mais de comprendre comment on a pu puiser des éléments du jeux-vidéo pour l'intégrer à une mise en scène. C'est ainsi qu'il faut instaurer une pédagogie inversé, où chacun peut apprendre de l'autre grâce à une transposition entre le savoir jeu-vidéoludique des élèves et votre manière d'analyser les films. Pédagogiquement, cet exercice peut s'avérer riche et fructueux

Il est de plus en plus difficile de parler de jeux vidéos au cinéma. S'il n'est plus une hérésie de parler de jeux adaptés de films, ou bien de films adaptés de jeux, il est toujours complexe de débattre de la qualité d'un film adaptant un jeu vidéo au cinéma. Cette question n'est pas tant nouvelle (quoi que récente) et cela a amené des chercheurs à s'attarder sur la question. C'est notamment le cas de Fabien Delmas, un chercheur enseignant en cinéma, qui s'est spécialisé autour du cinéma américain, de l'émerveillement, et de la notion de ''voyage extraordinaire'' au cinéma. Il n'est pas tant un hasard si ce chercheur, ayant défendu une thèse sur l'impact trans-médiatique de l'art théâtrale de Max Reinhardt sur le cinéma, ait pu voir dans le jeu vidéo, un sujet de réflexion et d'analyse sur la manière qu'il a d'évoluer avec le cinéma (ici, dans le cadre d'une conférence pédagogique s’inscrivant dans une analyse du film Ready Player One de Steven Spielberg). Le jeu-vidéo a toujours été influencé par le cinéma, et il n'est pas étonnant que cela soit arrivé à un point où celui-ci influence le cinéma. Comme le rappelle Fabien Delmas dans son intervention, il y a une nécessité d'apprentissage du cinéma et du jeu vidéo, lorsque l'on aborde le sujet de l'adaptation d'un jeu vidéo en film, et de ne pas cantonner sa vision à une lecture uniquement cinématographique. En arrive alors les débats et les polémiques vis-à-vis de l'adaptation en film d'animation du jeu-vidéo le plus influent de l'histoire, qui s'est préalablement fait charcuté une première fois dans une version dont Fabien Delmas en rappelle l'odeur passablement immonde lors de son intervention. Malgré les bons signes évidents envoyés par Nintendo, vis-à-vis de la production du film faite à Paris chez Illumination Mac Guff, ou encore à travers de très belles premières images, je n'étais pas nécessairement convaincu par des bandes annonces qui essayaient d'accumuler les références sans trop laisser entrevoir un récit réellement construit. Mais du coup, ce Super Mario Bros, le film, est ce que c'est une réussite ?


L'une des choses les plus flagrantes, au visionnage de ce film, c'est que c'est graphiquement beau, l'univers est riche, et tous les détails arrivent à être pleinement mis en avant par des graphismes 3D irréprochable. Il n'est pas tant étonnant de retrouver Illumination Mac Guff sur un tel projet car habitué avec des projets d'ampleurs demandant une richesse visuelle pour retranscrire au mieux les gags cartoon, mais aussi car c'est un film qui s'inscrit légitimement dans la continuité du travail du studio. Les productions Illumination, que ce soit sa franchise Minion, Comme des bêtes (dont il y a un clin d’œil en première parti de film avec une scène d'intervention dans une salle de bain) ou même Tous en scène, sont des films qui, plus que mettre en scène un scénario, met en scène avant tout un univers. Que ce soit le quotidien des animaux de compagnie, que ce soit la découverte du monde humain à travers la rencontre entre le monde des Hommes et le Grinch, ou encore la vie d'un théâtre de Broadway dans un monde anthropomorphique, le cinéma d'Illumination est avant tout un cinéma des grands espaces et du choc des cultures créant un sentiment de grandiose. Dans la même veine, on peut citer le cinéma Pixar qui, eux aussi, accorde énormément d'attention sur la crédibilités des univers et la manière qu'ils ont de nous paraitre tangible malgré leurs excentricités (je vous conseille la très bonne vidéo de Jehros à ce sujet). Cependant, je tiens à soulever une différence fondamentale entre Illumination et Pixar qui réside sur la place même de l'univers dans le récit. Si Pixar met en avant des univers vastes et complets, ils ne sont là avant tout pour resituer l'action et ce qu'il soulève à l'échelle humaine, ce qui prédomine est avant tout les relations de personnages et leurs évolutions. Chez Illumination, si l'univers est aussi riche, c'est parce que le monde est un immense terrain de jeu. Sans doute pourra critiquer Illumination sur le manque de niveau de lecture, n'allant jamais trop dans des questionnements pouvant mettre à mal l'aspect ludique et transgressif des univers mis en scènes, mais cela serait critiquer la volonté même du studio. Les personnages ne sont pas moins des personnes interagissant avec l'univers qu'une de ses composantes. L'idée n'est pas tant de ne rien apprendre de ces histoires, mais plus d'exploiter à 100% les possibilités des univers que l'on met en scène en apprenant à en faire parti, et c'était ce que recherchait Nintendo. Le défi, avec un univers aussi vaste que celui-ci, était de le rendre fidèle, mais surtout ludique et développant l'envi d'en explorer chaque recoins. L'avalanche de références à l'univers Mario arrive parfaitement à trouver leurs place dans un film 1h30 extrêmement bien rythmé. Pour expliquer cela, il faut revenir à ce que Fabien Delmas soulevait dans son intervention.


Super Mario bros est une saga de jeu qui s'est encré dans la pop culture, et est devenu une figure geek dans les années 80, à une période où les blockbuster, notamment les films d'aventures, ont fait leurs essor au cinéma. Le jeu lui-même étant une aventure (celle d'un plombier partant à la rescousse d'une princesse), le film adopte des codes de l’héroïque fantaisie et de l'aventure initiatique à la Conan le barbare:Un héros est retiré à sa vie ordinaire car il est amené à devenir meilleur à travers une série d'épreuve, et un ultime affrontement contre ce qu'il doit combattre. On est amené à faire des passerelle entre le récit d'aventure d'héroïque fantaisie avec certains textes de contes, amenant des adaptations de conte à reprendre certains de ces codes, comme Chat Potté 2. Pour Mario, c'est l'histoire d'un immigré italien qui galère et qui, par la force du destin, est amené à s'évader de son quotidien morose dans une aventure amenant à révélé en lui les capacités qu'il a toujours eu au fond de lui. A travers les yeux de Mario, c'est le public qui est amené à s'évader du monde réel, pour accepter pleinement un monde enchanté où des tortues font la guerre à un royaume champignon gouverné par une reine humaine. La référence n'est pas tant superflu, elle est nécessaire à la vitalité de l'univers. Entré dans le monde champignon, le spectateur n'est plus tant amené à suivre un récit allant d'un point A à un point B dans une route fixe, mais de voyager dans les recoins d'un univers qu'il va apprendre à analyser sous un nouveau regard.


L'aspect jeu vidéoludique ne disparait pas tant car, tout comme il y a plusieurs niveau de gameplay d'un même jeu, il y a plusieurs manière de jouer avec Super Mario Bros, le film. Tout d'abord il y a le côté spectacle où l'on prend plaisir à regarder un film d'aventure, puis arrive le jeu "basique" où l'on trouve la référence, même si celui-ci s’essouffle très vite lorsque celui-ci se déroule dans le monde réel, un peu à la manière des jeux vidéos se reposant sur le même principe destiné à un jeune joueur. Puis arrive l'aventure dans l'autre monde, à travers un incident des eaux qui menace la ville, et c'est à ce moment que le jeu peut devenir plus grand. Il ne sera plus tant question de reconnaitre une référence, mais plus de voir comment le film va adapter la référence pour évoquer la grande aventure héroïque fantastique. Contrairement à un film qui a pour ambition d’empiler le plus de Référence géré n'importe comment, l'idée ici est de faire marcher collectivement l'imagination du public pour arriver à connecter des scènes de jeu vidéo à une narration, ainsi que des films pré-existant, un peu à la manière d'un jeu de rôle. On ne va pas tant s'extasier de voir les karts de Mario Kart parce qu'il y a des karts, mais plus en amont, lorsque le film aura su expliquer en quoi la présence des karts est logique, et qu'elle renvois à une phase où le héros est amené à prendre le risque d'emprunter une route moins sûr. , Il est question de reconnaitre la référence à Super Smash Bros, lors du combat entre Donkey Kong et Mario, à travers l'écho qu'elle renvois à "l'affrontement du champion" et "l'épreuve de force du héros" dans l’héroïque fantaisie. Ces différentes références dépassent parfois le cadre même du jeu Mario, mais vient faire écho au jeu vidéo de manière générale. Je pense notamment à la scène d'entrainement avec Peach et Mario, où Mario galère, et où Peach a une réelle aisance. Il est difficile de ne pas y voir une confrontation entre le gameplay type Speed-Run, et le gameplay type try-hard / Die and retry, mais ces représentations ne sont pas tant là pour habiller une scène vide de sens, mais bel et bien pour raconter quelque chose vis-à-vis du propos de fond du film sur l'acceptation du merveilleux. Le tout est renforcé par la backstory de Peach qui est, littéralement, quelqu'un que la société a abandonné, et qui s'est réfugié dans le merveilleux pour trouver une vrai famille. L'univers de Mario est le centre même du film, mais c'est paradoxalement lorsqu'il s'en détache que le film prend pleinement son envol avec la meilleur scène du film.


On oublie trop que, pour transposer l'univers Mario Bros au cinéma, il a fallu adapter les personnages et définir, le temps d'un film, un statu quo qui serait celle du film. Si l'on prend l'exemple de Donkey Kong, celui-ci parait plus jeune et adolescent que dans des jeux comme Mario Slam Basketball ou Donkey Kong Country Return où il avait un caractère moins diplomatique et plus "Hulk compatible". Pourtant, cela ne choque pas tant, et au contraire, le résultat est très rafraichissant, car cela vient renforcer l'identité du film vis-à-vis de l'univers Mario. Tout comme les personnages, chez Illumination, ne sont pas plus des personnes interagissants avec l'univers qu'une parti de l'univers mis à l'écran, Super Mario Bros, le film est tout autant une vitrine de l'univers Mario qu'une partie de cette univers. Cela a pour effet de rendre tangible tout interprétation qui suit les fondamentaux imposés par les jeux, et de rendre sublime les interprétations, comme celle du personnage de Bowser, qui savent être singulière tout en restant cohérent avec l'univers. On prend alors beaucoup de plaisir à voir le roi des Koopas, dans un style cartoon mais toujours premier degrés dans une forme de respect, en plein chant au piano, et à se caractériser comme un très grand romantique qui n'a aucun respect pour personne. Cependant, cette manière qu'a la singularité de capter autant l'attention souligne le plus gros problème du film.


Il en vient comme un paradoxe lorsque l'on se rend compte que les meilleurs scènes du films, là où on prend le plus de plaisir, sont les scènes avec l'antagoniste principale. Il est vrai qu'il est régressif et subversif de ne pas prendre l'univers Mario dans un ton trop sombre et sérieux, et qu'assumer un caractère aussi loufoque à un personnage tel que Bowser peut faire sourire naturellement. Cependant, cela montre à quel point les autres personnages, ainsi que les autres composantes de l'univers Mario n'arrive pas à se libérer des fondamentaux, et à trouver une vrai singularité. Sans nécessairement dire que les autres personnages sont vides, ils ne sont jamais transcendant dans leurs manière d'exister dans le cadre du film. On sent une véritable crainte de la profanation, et de l'irrespect vis-à-vis de l’œuvre originale, d'où certaines références en début de films qui n'ont pas grand intérêt. Mais ce qui prédomine surtout, plus qu'une volonté de respecter l'univers Mario Bros coût que coût, c'est une volonté jusqu’au-boutiste d’emmener le spectateur en immersion. On sent très vite, à travers l'utilisation de certains thèmes musicaux et de certaines musiques, comme Bonnie Tyler "Holding Out For A Hero" lors de la phase d'entrainement ou même "Take On Me" de a-ha lors de la course de kart, une volonté de toucher le plus grand monde et de rendre attrayant le monde de Mario pour le grand public. Malheureusement, cela vient trop souvent au détriment de l'identité du film, et sur sa capacité à nous surprendre ou à raconter quelque chose.


Bien que le film se focalise sur l'exploration d'un univers, on peut cependant avoir différentes tentatives de propos de fond qui, malheureusement, n'arrivent pas toujours à fonctionner. La première, celle la plus réussit, sur la réussite personnelle d'un héros qui a su lâcher prise en voyageant hors de son quotidien sombre, pour finalement trouver la force de grandir (que ce soit spirituellement avec ses amis, ou littéralement grâce aux champignons). Enfin, la seconde porte sur les besoin de prouver sa valeur auprès de ses pères, qui vient en complémentarité de la première morale du film, justifiant le périple de Mario, mais qui ne marche absolument pas. La chose n'est pas tant dérangeante par rapport à son importance dans le récit globale, n'occupant que cinq minutes de temps d'écran, mais plus dans la démarche qu'elle enclenche et qu'elle sous entend. On sent que le film essaye vainement de trouver une justification, alors que celui-ci ne fait que reprendre un outil des films d'aventures des années 80, à savoir le fils devant prouver sa valeur auprès de son père. La raison est qu'à aucun moment, on ne pousse plus loin la réflexion ou même l'interprétation, par peur que celle-ci ne colle pas avec l'univers Mario, et avec ce que peut attendre le publique. Ce qui engendre un sentiment de vide et de manque lorsque l'on vient à réfléchir sur l'originalité du film, ou même sur le propos de fond du film... car celui-ci n'en a pas directement. Cela amène des moments paradoxales où les meilleurs moments sont ceux où Bowser déploie un portrait exacerbé et originale, et que les scènes les moins intéressantes sont celles où l'on essaye de suivre une voie qui est trop bien tracé, comme lorsque Mario et Donkey Kong se retrouvent isolés et, dans une scène qui sonne très vite faux, discutent de relations avec leurs pères. Malgré tout, est ce que Super Mario Bros, le film est bon ?


Super Mario Bros, le film est un très bon film malheureusement trop empiété par une certaine pudeur qui éclipse un potentielle énorme. Le film reste très divertissant, et est l'une des meilleurs adaptation de jeu vidéo sorti jusqu'à présent.


14,25/20


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Youdidi
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le 22 avr. 2023

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