Il croyait être Batman. Il était juste Fantômette.

Il fut un temps où j’aimais bien Philippe Lacheau...
...Et j’insiste sur le temps employé : j’aimais.


Je l’aimais bien parce que, l’air de rien, j’avais trouvé son Babysitting généreux et riche de quelques bonnes idées.
Tout n’était pas parfait c’est vrai, mais on sentait dans ses films une envie manifeste de bien faire. Il y avait de l’ambition (mais aussi de la picardité) et moi c’est justement le genre d’attitude que j’ai plutôt tendance à aimer.


Seulement voilà, depuis les films s’enchainent et une nouvelle dynamique a l’air de s’installer depuis peu. Une dynamique qui me plait beaucoup moins, pour ne pas dire plus du tout.
Non seulement le bon Fifi ne me surprend plus mais en plus il m’agace désormais.
En fait, ce n’est pas compliqué – et il a fallu que je voie ce film à peine une semaine après les Vedettes du Palmashow pour que l’évidence me saute aux yeux – Philippe Lacheau a fini avec le temps par se franciser.


Alors certes, les défauts que je vais énoncer ici ne sont pas nouveaux dans le cinéma de Philippe Lacheau, mais il n’empêche néanmoins que je trouve qu’ils sont désormais particulièrement saillants sur ses deux derniers films, et notamment dans ce Héros malgré lui.
Ces défauts, ce sont tous ceux que je retrouve généralement dans n’importe quelle comédie française lambda et ces défauts on les connait tous : l’absence de densité, l’absence d’originalité, l’absence de cinéma…


Mais ce qu’il y a de triste avec Philippe Lacheau c’est qu’alors que la plupart des autres comédies françaises lambda semblent se réduire à peu de choses uniquement de par leur fainéantise, leur manque d’imagination et leur cynisme, notre bon vieux Fifi me donne l’impression de sombrer quant à lui pour une toute autre raison : la suffisance.


Parce qu’à bien tout prendre, il disposait quand même d’une bonne base cet héros malgré lui.
Cette idée de grand adulescent qui se met à croire soudainement – à cause d’un accident – qu’il est ce super-héros qu’il devait incarner au cinéma, franchement je la trouvais sympa et riche de promesse.
D’ailleurs je me souviens très bien qu’au moment où j’ai découvert cette péripétie devant mon grand-écran, je me suis soudainement mis à espérer quelques minutes…
…Et oui j’inciste : quelques minutes seulement.
Parce que bon, cette péripétie – toute sympa soit-elle – est tout de même arrivée après plus de vingt minutes d’installation totalement plate et creuse.
Vingt minutes que j’ai trouvées particulièrement consternantes.


Tout était là : les personnages présentés un par un, jusqu’au bon vieux cliché des situations explicitées littéralement et verbalement à l’écran :
« Mais papa ! J’ai toujours voulu devenir acteur ! J’ai toujours voulu que tu sois fier de moi !
– Et bien pour moi qui suis flic, sache que je ne serais fier de toi qu’une fois que tu auras un vrai métier ! C’est-à-dire un métier qui permet de préserver l’ordre, comme ta sœur ! Donc ne t’avise surtout pas de te retrouver dans une situation compromettante en cours de ce film car sinon je serais forcément très déçu !
– Rolalah ! Il n’y a vraiment que mes amis pour me comprendre ! N’est-ce pas mes deux fidèles compagnons qui jouent mes sidekicks à chacun de mes longs-métrages ?
– Mais totalement Fif… Euh enfin je veux dire Damien [guillemets fait avec les doigts]. Je te soutiens totalement dans ta démarche moi qui ai décidé de sortir avec la mère de l’autre gars du trio afin qu’on puisse générer des situations graveleuses d’un très haut niveau de subtilité comique. Hein, pas vrai Jul… Euh enfin je veux dire… Seb ?
– Oooh mais non ! Pitié Tar… Adam ! Ne remets pas ça sur le tapis ! Tu sais très bien qu’en ce moment, moi le troisième larron de l’histoire, je suis très à fleur de peau à cause de ma fonction de cobaye pour les laboratoires ! Avec les hallucinations que je me tape parfois, tes réflexions risquent fort de décupler le niveau de subtilité des vannes du film puissance mille ! »
(J’exagère à peine.)


Tout est plat, prévisible, s’enchainant linéairement. Et comme pour toute comédie manquant de densité, le bon Fifi comble avec des petits gags de ci de là.
Ici c’est Tarek qui apprend par texto que son pote a pissé dans son jus d’orange alors qu’il est en train de le boire. (Hihi ! Il en a tout recraché d’un coup dis-donc ! Qu’est-ce que c’était drôle !)
Et puis là, c’est Fifi qui apprend qu’il a le rôle de Badman. Il saute de joie mais juste après ça voilà qu'il comprend qu'en fait la directrice de casting s’était trompée d’interlocuteur ! (haha !) Seulement voilà, dans la foulée l’acteur choisi à sa place se mange un accident ridicule (hoho !) et que donc du coup la directrice de casting rappelle Fifi comme si de rien n’était ! (huhu !)
Face à des scènes comme celle-là, forcément, je vous laisse imaginer : ma salle était bidonnée !
...
Non, bien sûr que non : on entendait les mouches voler.
En même temps comment pouvait-on espérer qu’il en soit autrement ?
Cet humour là c’est du déjà-vu, du téléphoné, du grossier…
…Et le pire concernant Philippe Lacheau, c’est que j’ai l’impression que, malgré tout, il a l’air d'être vachement satisfait de ce qu’il a fourni.


Parce qu’il se la joue le Fifi ! Du début à la fin il n’arrête pas !
Et vas-y que je trouve un prétexte pour afficher mon super-corps bodybuildé...
Et vas-y aussi que je me pose quelques scènes de baston pour montrer à quel point je suis trop capable de faire des montages nerveux qui font trop-film-ricain…
Et puis surtout vas-y que je n’oublie pas de faire mes petits clins d’œil qui montrent bien qu’en fait, à chaque fois, je parle toujours un petit peu de moi dans mes films… (Parce que ouais vous savez, ce mec qui avait envie de réussir dans le cinéma et de réaliser son rêve d’enfant eh bah – ça va vous surprendre peut-être – mais en fait c’est un peu moi. Eh ouais. #j’medévoile. #sansfard. #jesuisunartiste.


Alors après pourquoi pas : moi je veux bien que l’ego ça fasse aussi partie de l’apanage d’un auteur et, dans le principe, ça ne me dérange pas plus que ça…
Seulement voilà, si tu décides de te la raconter à mort dans ton film , à un moment donné t’as intérêt à envoyer du gros bois derrière…
…Or là, je suis désolé, mais au regard de ce qu’est ce film je trouve que le Fifi se satisfait vraiment de pas grand-chose.


C’était déjà particulièrement consternant dans son précédent Nicky Larson et c’est malheureusement tout autant le cas dans ce Héros malgré lui : Philippe Lacheau et le cinéma ce n’est vraiment pas ça.
Cadrage et lumière de téléfilm. Tempo toujours à la traine. Ecriture pauvre.
Tout est surligné. Rien ne surprend jamais vraiment. Et surtout ça peine à faire corps.
Ce film a vraiment des allures d’enchainement de saynètes gonflées aux gags potaches. Seules ses quelques références ponctuelles aux grands classiques de Marvel m’ont paru vraiment relever d’une réelle forme de malice… Et encore, ça c’est dans le cadre où – encore une fois – la référence n’est pas surappuyée et stabilotée au fluo radioactif.
…Et j’aurais même envie de dire « et encore ça c’est dans le cas où vous n’êtes pas trop coutumier des films de Fifi ! » Parce que sinon, le coup de la réf’ à la pop culture, dans les comédies de Lacheau c’est juste systématique, au point d’ailleurs d’être tristement rébarbatif.


Mais bon, au final je n’ai donc pas l’impression que Philippe Lacheau n’y perçoive là un véritable problème.
Parce qu’il aime se filmer lui et ses potes, pourquoi devrait-il se priver ?
Parce qu’il juge sa formule efficace, pourquoi devrait-il en changer ?
Et puis surtout parce qu’il semble estimer qu’une mise-en-scène sympa ça ne se réduit qu’à seulement quelques effets d’esbroufe, pourquoi devrait-il se fouler ?
De cet état d’esprit là découle forcément un cinéma qui tourne sur lui-même ; qui n’invente plus rien et ne se rend même pas compte qu’il se replie en tout et pour tout que sur un humour burlesque des plus bas de gamme.
Où est l’autodérision ? Où est la satire ? Où est l’absurde ?
Circulez il n’y a rien à voir. On se contente de peu tout en se convainquant qu’on fait de l’or.
Le gars pense qu’il joue désormais dans la cour des grands parce qu’il a maintenant les moyens de Bruce Wayne alors qu’en fin de compte il continue de se déplacer en Bat-trotinette…
…Et en signant bien sûr tout ça d’un F comme Fifounette.


Bref, en un mot comme en cent, c’est terrible mais je n’arrive pas à dépasser ce constat-là.
J’ai trouvé ce film bête, vain et passablement prétentieux.
Tout un symbole : à bien tout prendre je n’ai en fin de compte ri qu’une seule fois, et en gros c’était essentiellement lié au fait que le gag concerné m’avait fait repenser à un épisode des Simpsons que j’aimais beaucoup.


Et pour les curieux, sachez qu’il s’agit du moment où le gamin se fait emporter par le pygargue sans crier gare. C’est le seul moment où le film m’a surpris et où il m’a fait marrer.


Donc autant dire qu’avec un bilan comme ça, me concernant, la messe a été vite dite.
Loin de me pisser dessus, face à cet Héros malgré-lui j’ai plutôt choppé la cystite.
Alors désolé Fifi, mais entre toi et moi je crois qu’il vaut mieux qu’on en finisse.
Je te laisse avec tes nombreuses certitudes et tes grands délires de Narcisse.
Sache que dans mon cœur comme en Picardie, c’est désormais le calme plat.
Et franchement, crois-moi, pas sûr qu’à ton prochain film je penserai à toi.

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le 24 févr. 2022

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