Vendre un film au lieu de le faire !

Suicide Squad n’est pas un film tout comme BvS n’en était pas un. La Warner a déjà planifié pour les 5 prochaines années une série de films basés sur l’univers DC comics et tente simplement de nous les vendre. La portée cynique d’une telle entreprise détruit toute ambition artistique. L’œuvre cinématographique n’existe plus en tant que telle, elle fait partie d’un tout et doit embrasser coûte que coûte une politique plus grande qu’elle. La machine à billet vert impose alors une ambiance, un ton et retire la substance d’un film transformé en bande annonce pour le prochain.

En son temps Christopher Nolan était arrivé dans un genre super héroïque dévasté par les navets et avait eu la liberté de créer de véritables films d’auteurs tout en respectant le matériau d’origine. Mais les choses ont bien changées, Marvel a ouvert la boite de pandore en créant des films ultra rentables capables de se décliner à l’infini. DC s’est alors réveillé en voulant copier son voisin.

Le relatif échec de BvS n’a rien arrangé. Trop sérieux, trop noir, il s’est fait massacrer par la critique (beaucoup trop selon moi). J’ai alors prié pour que la Warner ne chamboule pas tous ces plans en marvelisant ses films et j’ai eu peur en entendant parler de reshoot. A raison. Le film est totalement shizophrène et hésite entre être sérieux et être drôle, être noir ou être pop et même les méchants ont des côtés mignons tout plein (c’est Will Smith, faut pas déconner). Le film est charcuté et n’a plus aucune cohérence, il n‘en avait pas besoin vu le nombre déjà trop important de protagonistes - des protagonistes sous-exploités écrasés sous le poids de nos amis Harley & Deadshot (c’est Will Smith, faut pas déconner).

DC veut aller trop vite en nous balaçant un maximum de personnages au lieu de se concentrer sur le développement d’une poignée. Dans BvS on avait le droit aux fiches Justice League, ici on a le droit aux fiches Suicide Squad. Le cas symptomatique est celui du Joker présent 10 minutes à l’écran. Quelle erreur d’avoir sacrifié la présentation de ce personnage iconique sur cette présence anecdotique. Jared Leto a envie d'être fou c'est sûr mais là...

BvS avait de belles qualités malgré ses défauts, je serai plus dur avec Suicide Squad. Le pire est surement cette désagréable sensation de s’être fait prendre par un pigeon par un matraquage marketing ultra violent. Deadpool souffrait du même symptome mais son côté « film à petit budget » faisait passer la pillule. Suicide Squad , lui, n’a pas hésité à se faire passer pour un bon film, dingue, cool, badass, motherbisous. On nous a vendu des personnages hauts en couleurs, un Joker au sommet pour au final nous pondre un film somme toute classique.

Le marketing de ce film nous enseigne également une chose : la tonalité du film peut changer en cours de route. Souvenez-vous des premières bandes annonces sombres et du logo « Suicide Squad » métallique. Et maintenant rappelez vous les 128 bandes annonces récentes hautes en couleurs . Le monteur a du avoir mal au crane*.

*extrait des discussions entre le monteur (René) et le commercial (Jean-Baptiste) :
- René, j’ai vu ta version du film. C’est vraiment super bravo.
- Merci JB, le montage restranscrit bien l’univers dark de Suicide Squad je trouve.
- Ouai c’est clair mais en fait on a décidé de changer ça.
- Quoi ça ?
- Le délire dark, on est triste tout ça. Les plans ont changé, les gens ont besoin de rire. Tu veux pas faire rire les gens ? Tu n’aimes pas les enfants René ?
- Euh…si bien sûr.
- Alors tu vas refaire un montage plus rigolo avec un fond pop et une musique funky ok ?
- Mais JB, je fais comment ? Le film n’est pas drôle.
- Mais si t’inquiètes on a fait des reshoots pour ajouter 2/3 blagues.
- Et David ?
- David quoi ?
- OK laisse tomber, je refais le montage…