Hitchcock savait comment raconter une histoire, contrairement à beaucoup de films qui se font aujourd'hui sans début , ni fin mais avec un début qui n'en finit pas de commencer. Vertigo est captivant du début à la fin avec une histoire dont on ne sort pas indemne .C'est ça qu'on attend d'un scénario.
Inspiré du roman d'Entre les morts de Boileau-Narcejac , Vertigo est t-il le chef d'œuvre ultime d'Hitchcock? Une histoire de fantôme, de flou permanent, mêlant histoire d'amour et enquête, un film à mystères condensé de genres, un film profondément malade et terriblement beau.
Obsessionnel que ce Scottie /john Ferguson bloqué dans le vertige qu'il éprouve et qui le caractérise, héros handicapé, traumatisé scellant un pacte avec son ami entrepreneur afin d'enquêter sur Madeleine, le femme de ce dernier. Evanescente la Madeleine , comme un souvenir, une femme écran, miroir des fantasmes dans la manipulation et les apparences. Hitchcock dresse le portrait d'un profil lors de sa première apparition, comme pour n'en montrer qu'un côté de son essence. Esthétiquement Hitchcock utilise des plans et des couleurs qui évoquent le cinéma fantastique, son point culminant étant la forêt aux séquoias , limite roman gothique pour un film en soi hyper rationnel, la même sensation que lorsqu'on se réveille d'après un rêve.
Mais non, bloqué Scottie, dans la folle mélancolie qui l'aspire vers le passé plus le film approche du dénouement.
Une seconde partie tout aussi perturbante, une femme marionnette, victime des miroirs dans une lumière verdâtre aux confins de la morbidité vivante.
Que dire des décors? San Francisco en est la ville idéale, belle mais nauséeuse, on monte , on descend , on tourne on se fait aspirer. La ville est ancienne, et nouvelle : des constructions savamment imbriquées en arrière plan de l'ami entrepreneur laissent déjà planer la confusion. Le reste est une histoire sans fond qui déambule par des lieux de passages clés, sublime que ce cimetière tout en frises fleuries au premier plan qui nous invite dans ce décors fléché.
Des amants parallèles, jamais l'amour ne fut aussi cérébral et tragique chez Hitchcock. Un crime sur le dos pour l'un , une folie illusoire pour l'autre. Sauver sa peau , guérir à quel prix? La mort toujours, pas d'amour. Amoureux de l'idée et seulement de l'idée d'une femme, c'est la mise en abîme de l'héroïne hitchcockienne par excellence. Spirale du désir d'un personnage qui s'aime soi même, le bien brave intentionné Scottie veut créer son Frankenstein et ne s'intéresse en aucun point à l'autre. Car l'ignorance est aussi un thème fatal du film, et ignorance de l'autre et ignorance de sa propre situation; en attendant la toile se tisse pour nouer la vérité.
Le spectateurs contemplatif et les apprentis détectives trouveront leur compte dans Vertigo , comment ne pas aimer suivre Madeleine dans la première partie du film qui fait naître la fascination chez Scottie? Et ces couleurs de 1958 tout droit sorties d'un tableau expressionniste en bleu , rouge et vert. Monter quelques marches et redescendre, faille des hommes.
Vertigo n'est pas seulement le film que beaucoup considèreront comme le meilleur Hitchcock mais comme ayant accédé au chef d'œuvre toutes catégories confondues.


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le 1 juin 2014

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Ligeia

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