Su-ki-da
6.6
Su-ki-da

Film de Hiroshi Ishikawa (2006)

Transposé au cinéma français, Su-ki-da serait abominablement chiant et soporifique, en plus de prendre le spectateur pour un con quand on lui intime d'entrer en résonance avec l'intériorité constipée des personnages. D'ailleurs Ishikawa filme son couple avec autant d'obsession stoïque, qu'il néglige les décors alentours rendus partiels, incomplets, voire superflus. On est pratiquement dans une démarche impressionniste. En France, cette attitude confinerait à la suffisance pure et simple, et seuls les intellos des Cahiers du Cinéma seraient en mesure d'apprécier un tel parti-pris.

Mais voilà, l'histoire se passe au Japon, et les codes culturels sont radicalement différents des nôtres. Aussi, ce film ne peut s'apprécier qu'en faisant table rase de son ethnocentrisme occidental, et de son impatience parisienne.
Car autant le français est un être bavard décortiquant ses sentiments aux rayons X, autant la retenue et la timidité japonaise sont notoires, et font que deux êtres qui s'attirent peuvent rester assis côte-à-côte, contemplatifs, en ne prononçant pas un seul mot sur ce qui les anime.
Et les pauses, les silences, sont légions dans cette oeuvre sensible. Du coup, toute la subtilité des non-dit passent dans les postures, ou dans la fuite...

Japonais ou pas, on pourrait légitimement se dire que tant d'embarras partagé finit par devenir bien longuet. Mais heureusement, Su-ki-da est divisé en deux périodes bien distinctes, ce qui relance la machine en train de s'épuiser...

D'abord, une période adolescente, pleine de doutes et de routine entre le lycée, la maison et l'écluse, lieu de retrouvailles habituel entre la fille et le garçon.
Et la période adulte, quand les deux protagonistes se retrouvent au hasard d'un studio d'enregistrement. La vie ne les a pas épargné, et ils trainent leurs blessures secrètes avec toujours autant de pudeur. Ils parlent un peu plus, mais à peine. La vie semble leur offrir une seconde chance, malgré leur timidité maladive et les coups du sort les attirant vers le précipice de l'échec...

En tant que français, on aimerait les bousculer, leur crier de foncer, de se jeter l'un sur l'autre pour conjurer tous leurs démons, mais c'est impossible. Il ne nous reste plus qu'à observer pieusement la lente croissance - presque végétale - d'un amour contrarié... ou sa chute inexorable.

Et quand cet espace de lenteur vacille gravement sur ses fondations, alors on comprend la soudaine urgence de ces mots "Su-ki-da" qui prennent tout leur sens...






franckwalden
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Créée

le 6 juil. 2012

Modifiée

le 21 juil. 2012

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Franck Walden

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