Mordu des ambiances seventies, et des pitchs sur les réunions d'amis, j'attendais de Vincent et ses potes une chouette nostalgie de ma décennie natale. A l'arrivée, j'ai surtout flirté avec le précipice de l'ennui.

Voilà typiquement le cinéma qui m'horripile. Un cinéma d'une suffisance toute parisienne. Claude Sautet, dans toute son arrogance nous dit : regardez, y a Montand, y a Piccoli, en gros sur l'affiche, des monuments ces gaillards-là, le film est forcément bon ! Achetez donc votre place, dix francs !
Sauf que dix francs, c'est encore de l'arnaque. La mariée était trop belle, avec son affiche des quat'zamis.

Alors admettons ! Tant qu'à vouloir faire de l'ultra-réalisme (pour oblitérer le fait qu'on a aucune imagination - comme le titre du film lui-même), Sautet aurait dû pondre un pur documentaire sur la chape dépressive parisienne des années 70, plutôt que de fignoler des bouts de scène sans âme, aux dialogues creux (comme la vie) avec la prétention d'en faire une peinture sur les désillusions d'une génération déclinante (amours, solitude, travail, santé etc.). Il aligne banalité sur banalité avec une rigueur consternante. Zéro sursaut d'émotion pendant 1h50. Même la vie réelle, dans tout son ennui, est plus passionnante que ça. En comparaison à cette copie très moyenne, le pessimisme de Houellebecq m'a l'air plus sincère, plus habité, plus subtil, et mieux rendu.

Les acteurs, qui ne sont pas à blâmer, font ce qu'ils peuvent pour réhausser ce lavis grisâtre d'une époque révolue. Notamment le jeune Depardieu, beau et sobre, ouvrier et boxeur, qui apporte un peu de fraîcheur et d'espoir dans cette morosité ambiante. Mais tout le talent du monde ne suffit pas à donner vie à un scénario d'une platitude affligeante. Les saynètes nombrilistes défilent, et c'est en vain que l'on attend que ça décolle un peu... Las. Rien à en tirer. Ca reste trop franco-français, pyro-masturbatoire comme l'apprécie les Cahiers du Cinéma.

Rétrospectivement, et pour peu qu'on soit curieux des mortes-époques, le décor (bagnoles moches, clopes omniprésentes, téléphones à fils torsadés, fringues vintage...) conserve plus d'intérêt que tout le reste. Encore que, pour l'immersion dans les seventies, Sautet n'arrive pas à la cheville de Joël Seria, qui au moins ne se prenait pas au sérieux quand il évoquait les petites vies des petites-gens, à coups de punchlines jubilatoires.
Mais pour le Sautet qui entend passer en revue tous ces petits doutes & malheurs du parigot au teint livide, à l'arrivée le machin ne nous parle de presque rien. Il effleure à peine les sujets, et ça nous laisse de marbre. Avec une conclusion passe-partout présente à l'affiche : l'amitié-la-vraie, vaille que vaille, résiste à tout.

Et vraiment, on s'en bat le steak, la mâchoire depuis longtemps abîmée par une rafale de bâillements...
franckwalden
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le 25 déc. 2013

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le 25 déc. 2013

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Franck Walden

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