Stillwater se conçoit comme une vaste caisse de résonances – nous sommes bien loin de l’« eau plate » annoncée par le titre – au sein de laquelle se démultiplient les coups portés : deux parents isolés, deux filles dont l’une ne tient pas en place et l’autre végète en prison, deux cultures qui tentent de se comprendre, occasionnant le mélange des langues et des valeurs, deux amours impossibles. La complexité remarquable du long métrage résulte ainsi de son souci de représenter l’influence exercée par une personne extérieure sur le milieu qu’elle intègre en demeurant pourtant quelque peu à sa marge, prêt à partir : qu’il s’agisse de Bill parmi Virginie et Maya – il leur cuisine des burgers et instaure le rituel de la prière avant le repas –, du même Bill errant dans la cité marseillaise à la recherche d’un coupable ou d’Allison qui apparaît à son père comme une étrangère, les deux Américains parcourent l’espace en quête d’un ailleurs à domestiquer et d’un foyer à créer sur de nouvelles bases, ce qu’ils échouent à accomplir.


La clausule insiste d’ailleurs sur le sentiment d’étrangeté que ressent le personnage interprété par Matt Damon alors qu’il vient de regagner son pays et des lieux connus qui lui sont désormais « différents » ; lui-même semble étranger à lui-même, dans un état second qui le rend spectateur du monde et dont l’unique but, à savoir sauver son enfant, le conduit à détruire l’harmonie pour un temps recouvrée. La chanson de Sammi Smith, « Help Me Make It Through The Night », contient l’essence du film : ne pas vouloir être seul et demander de l’aide pour affronter la nuit, comprenons une existence à laquelle Dieu n’apporte aucune réponse. Aussi Stillwater met-il en scène l’échec de deux êtres à faire communauté et à retrouver une unité qui n’a jamais été là, leur dépendance familiale et affective malgré l’autodestruction qu’ils réitèrent encore et encore. Son rythme s’apparente à celui qui rythme la danse dans le salon des trois protagonistes principaux, lent et mélancolique sans que l’affliction ne soit prise en charge par la parole – Bill est taiseux et ne parle pour l’essentiel que par formules interposées.


Bien plus juste et spontané que le surestimé Spotlight (2015), voilà donc une belle réussite qui réunit à l’écran un trio d’acteurs remarquables : Matt Damon, Camille Cottin et la jeune Lilou Siauvaud, formidable Maya.

Fêtons_le_cinéma
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le 24 sept. 2021

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