Stella Dallas
7.4
Stella Dallas

Film de King Vidor (1937)

Stella Dallas est un mélo de King Vidor de la fin des années 30 – c’est-à-dire encore à l’époque où il en fait globalement son cheval de bataille. Ses films s’intéressent souvent alors à des personnages issus de classes populaires.


C’est aussi le cas ici, et l’un des enjeux centraux du film. Stella, film d’ouvriers, s’amourache de Stephen Dallas, fils d’un banquier millionnaire qui vient de se suicider. Elle parvient assez rapidement à faire sa connaissance et ils sont vite mariés, ce qui doit lui permettre de faire son entrée dans la « haute » société locale.


Malheureusement, les choses ne se passent pas vraiment comme elle l’espérait. Paysanne elle était, paysanne elle restera ; les manières et la mode de la haute lui sont totalement hermétiques et son mari (qui n’est pas très courageux) devient rapidement assez distant. Ils ont une fille, Laurel, qui devient la seule priorité de Stella.


Le film évacue vite le côté conjugal pour se consacrer uniquement sur la fille et son éducation dans ce contexte de différence de classe. Si, après ses efforts initiaux, Stella comprend vite qu’elle ne franchira jamais la barrière qui la sépare du monde de la « haute » société, son comportement et ses fréquentations font jaser et finissent par nuire à sa fille – de telle sorte que ne voulant que son bien, Stella décide simplement de s’ôter de l’équation pour maximiser ses chances de réussir.


Le propos du film est assez abject dans la mesure où le seul personnage honorable sacrifie tout et se retrouve finalement sans rien. Il aurait été plus fort de permettre à la gamine de réussir, sans avoir besoin de supprimer sa mère aimante et altruiste, s’émancipant ainsi du carcan sociétal. L’angle choisi ici donne paradoxalement raison à toutes les voix les plus odieuses : que chacun reste à sa place, les riches avec les riches, les ploucs avec les ploucs, malheur à ceux qui veulent s’élever plus haut que le statut auquel leur naissance les prédispose. C’est doublement paradoxal dans le sens où cela va aussi à l’encontre du rêve américain, épousant plutôt un point de vue vieillot et européen avec une espèce d’idée d’aristocratie.


Le film a mal vieilli et est très malaisant, multipliant les scènes qui font grincer des dents – des espèces de saynètes téléphonées où on devine cinq minutes à l’avance le drame qui va se nouer. Au moins, on en vient bien vite à détester tout le monde : le mari Dallas sans échine, le pote vulgaire de Stella (Alan Hale, second rôle bien crade), et même la gamine trop gâtée qui ne prend pas assez la défense de sa mère, pourtant le seul personnage rachetable du film.


Il y a aussi une espèce de fascination matérialiste que partagent l’essentiel des personnages du film – surtout ceux qui n’ont pas beaucoup d’argent. À y réfléchir, il s’agit sûrement d’un reflet de la période (au sortir de la grande dépression), où la classe moyenne américaine est mise à rude épreuve.


Tout n’est pas à jeter dans le film – et la performance de Barbara Stanwyck sauve un peu les meubles. Cette actrice d’exception habite le rôle comme elle le fait si bien et porte le film à bout de bras, sublimant les deux ou trois scènes exceptionnelles qui, vers la fin du film, suffisent presque à le rendre regardable. Ça ne suffit néanmoins pas à racheter le message nauséabond et l’heure et demi globalement pénible qu’il faut se taper pour en arriver là.

Aramis
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films vus en 2022

Créée

le 24 mars 2022

Critique lue 80 fois

1 j'aime

Aramis

Écrit par

Critique lue 80 fois

1

D'autres avis sur Stella Dallas

Stella Dallas
Caine78
8

Mélo de compétition

Si le film peut paraitre un peu daté quant à son aspect très "moral", il n'en est pas moins remarquable. Rares sont les occasions d'avoir d'une héroïne aussi émouvante que celle de "Stella Dallas",...

le 11 mars 2018

2 j'aime

Stella Dallas
Aramis
4

Outclassed

Stella Dallas est un mélo de King Vidor de la fin des années 30 – c’est-à-dire encore à l’époque où il en fait globalement son cheval de bataille. Ses films s’intéressent souvent alors à des...

le 24 mars 2022

1 j'aime

Stella Dallas
abraham_pasconnu
9

Critique de Stella Dallas par abraham_pasconnu

Vidor est un cinéaste de mouvements, au pluriel. On est pas dans un ballet rapide et étourdissant, mais bel et bien dans un enchainement de début d'actions qui se cassent avant d'atteindre leur...

le 28 mars 2023

Du même critique

Shanghaï Express
Aramis
7

Docteur H. et les Femmes

En 1931, Josef von Sternberg retrouve Marlene Dietrich pour un quatrième film, « Shanghai Express ». L’histoire est située en Chine, et, plus précisément, dans le train éponyme qui relie les villes...

le 16 avr. 2015

19 j'aime

9

Thelma et Louise
Aramis
10

The girls the authorities came to blame

Le 24 mai 2016, à l’occasion des vingt-cinq ans du film, j’ai vu, pour la troisième fois, « Thelma et Louise ». Deux heures après, pour la troisième fois, le film s’achevait et me laissait le cœur...

le 5 juin 2016

19 j'aime

4

La Comtesse aux pieds nus
Aramis
5

Le conte de l'ennui

En 1954, Joseph L. Mankiewicz réunit deux monstres sacrés du 7e art : Humphrey Bogart et la belle Ava Gardner – qui lui est "prêtée" à prix d’or par la MGM – pour son film « La Comtesse aux pieds nus...

le 6 avr. 2015

18 j'aime

9