Stella Dallas
7.4
Stella Dallas

Film de King Vidor (1937)

Vidor est un cinéaste de mouvements, au pluriel. On est pas dans un ballet rapide et étourdissant, mais bel et bien dans un enchainement de début d'actions qui se cassent avant d'atteindre leur pleine réalisation ce qui donne l'impression que les personnages sont entrainés par le cour du temps qui passe cruellement trop vite pour en savourer le bonheur qui s'échappe (On pensera à la scène de Noel, où les sentiments et les relations entre les personnages qui arrivent et partent sont fulgurants de puissance et de frénésie). Les ellipses affirment ce sentiment par leur fluidité presque choquante, aberrante (je pense au passage de la porte par la fille de Stella, devenue collégienne alors que quelques scènes plus tôt elle était encore bébé, où l'annonce d'un mariage au bout de quelques petites scènes de relation).


De plus, comme c'est un cinéma de réalisme dramatique, il y a une pudeur face à ce qui est filmé, ainsi l'homme (entre autres, il est le principal filmé) apparait entier. Le cadre n'est jamais centré sur un personnage, ou alors ce dernier est rejoint dans sa solitude par un autre. Vidor, cinéma du sociable, qui réunit les êtres au sein du cadre même, ce qui gonfle ce même cadre mais aussi annihile l'émotion trop simple du gros plan dans un mélodrame qui aurait pu l'utiliser à outrance. Quand ce dernier apparait, c'est dans toute la majestuosité de sa rareté, sa puissance singulière. Mais comme la plupart du temps la caméra filme la tête avec son corps ou son buste, et filme qui plus est plusieurs corps, on a une impression de foule, de mouvement effervescent dans le cadre et pas du cadre ce qui est beaucoup plus marquant et prenant. Un personnage trébuche et on sent la réalité de son corps s'écraser sur le sol, et directement la faiblesse du personnage ici saoul (toujours la même scène de noel). Ces plans longs et non excluant sont réellement le bijou de mise en scène de ce film.


Enfin c'est un film social, cruel comme si rarement ont pu l'être des films de ce genre. L'intendant sansho ou les Fassbinder à la Ali par exemple. C'est un film qui a conscience des classes sociales, et qui a le brio de nous faire croire à une prédation de la part de Stella au début, avant de désamorcer ça peu à peu dès que cette dernière se retrouve seule. Elle est et reste la première victime de ce film, en réalité du début à la fin. Elle reste une prolétaire objet de la bourgeoisie et qui subit son courroux. Jamais elle n'a réellement changé de classe, et c'est le constat amer et foutrement lucide que pose ce chef d'oeuvre.

abraham_pasconnu
9

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le 28 mars 2023

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