Quatre ans qu’il m’aura fallu attendre avant de mater cet épisode neuf. On ne peut pas dire que ce soit l’impatience qui m’étouffe, cela dit de la part de l’un des seuls sci-fi boys au monde à ne pas supporter Star Wars on ne peut pas non plus dire que ce soit surprenant. Sachant que, histoire de rajouter un peu d’huile sur le feu de joie, non seulement je trouve que ce n’est pas de la SF, mais en plus je me fais un malin plaisir à préférer de (très) loin la prélogie et les intrigues politiques qu’elle tisse à la pauvre émule de geste arthurienne à ronfler debout que constitue la trilogie originale. Et ce n’est clairement pas au prisme des deux premiers épisodes de la troisième que j'ai pu entamer mon processus de réconciliation, les considérant encore aujourd’hui comme parmi les pires films de l’histoire. Et pourquoi, à ce moment-là, m’obstiné-je à en poursuivre le visionnage ? Déjà car zapper un épisode canon du lore c’est juste inenvisageable pour un amateur de science-fiction, et souvenez-vous par ailleurs des sages paroles de Sun Tzu rapportées dans L’Art de la Guerre : « Connais ton ennemi et connais-toi toi-même. »

Résultat des courses : finalement j’aurais clairement gagné du temps à remater l’épisode 6. Ce n’est même pas faut de la part des opus 7 et 8 d’avoir tenté de nous prévenir : plutôt que d’oser, de proposer de la nouveauté, de s’essayer à n’importe quelle fulgurance, J.J. Abrams et Disney ont préféré prendre le parti de l’écologie. Concrètement, on ne devrait même pas leur en vouloir, puisque le recyclage c’est bon pour la planète. Encore faut-il transformer les déchets concernés en quelque chose d’utile, ou doté d’un minimum de personnalité. Pour le coup, non seulement L’Ascension de Skywalker calque la trame du Retour du Jedi jusqu’à la moelle épinière, mais il ose jusqu’à prendre le parti de se tartiner le cul avec un pinceau en fils de fer de la moindre cohérence scénaristique. Se disputent la palme de l’idée la plus ignoble : le grand méchant pas beau des deux premières trilogies ramené d’entre les morts par rien de moins qu’une pauvre petite ligne dans le texte d’introduction – ce qui s’apparente déjà beaucoup trop à un « ta gueule, c’est magique » –, la mort de Leia bâclée sans émotion ni véritable enjeu, une pluie de deus ex machina à rendre polythéiste Dieu lui-même et l’explication des origines de Rey qui frôle l’insulte pure et simple, je suis à un vol Paris-Sidney d’avoir fait le tour, tant le film s’expédie à Mach 10 sans tenter de tisser ou de développer quoi que ce soit avec un minimum de cohérence voire de simple décence…

On serait même tenté de se raccrocher à l’aspect général du film pour sauver les meubles et contempler la beauté du montage, des effets spéciaux, de la musique, les points forts de l’ensemble de la saga somme toute, pour finalement se dire que mettre de la Chantilly sur de la merde n’en fait pas du Nutella… Eh bien dans ce cas elle serait sacrément fermentée, votre Chantilly. Si des SFX bancals et des costumes d’extraterrestres Un nouvel espoir-tier (et en quelle année est sorti Un nouvel espoir ? Un indice : ça commence par 19, et ça finit par 77…) ne suffisent pas, contemplez simplement un montage digne du portfolio d’un étudiant qui aurait redoublé sa première année de fac de cinéma. Un montage qui se paye même le luxe de saboter encore plus le scénario que ce dernier ne le fait déjà lui-même : comment croire un seul instant à cette histoire de dédoublement du sabre laser de Rey dont Kylo Ren hérite par une mini-pirouette de fondu même pas enchaîné ? C’est clair qu’on préférerait voir le film un peu plus enchaîné à ses scènes, histoire de les voir durer un peu plus de cinq à dix secondes avant une transition en volet du plus laid effet.

Star Wars 9 n’est pas que raté : osons le dire, c’est une daube. Un pauvre produit marketing qui se contente de passer du fan service surgelé au micro-ondes pendant deux heures en oubliant que de la bouffe trop réchauffée ça réduit, en plus de potentiellement te coller l’indigestion du siècle. Expurgé de tout ce qui faisait le sel d’une saga mythique (eh oui, c’est pas parce que je la déteste que, comme quoi), entre les qualités techniques de la trilogie originale et la portée politique de la prélogie, ne reste plus qu’un navet cultivé à ras de terre, que je me refuse à rehausser au rang de nanar tant le massacre perpétré par Disney et Abrams se prive de susciter la plus petite trace d’affection. Aussi bien Star Wars que son public méritaient mieux que ça…

Aldorus
1
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Carnets SF

Créée

le 10 janv. 2024

Critique lue 7 fois

Aldorus

Écrit par

Critique lue 7 fois

D'autres avis sur Star Wars - L'Ascension de Skywalker

Star Wars - L'Ascension de Skywalker
Sergent_Pepper
4

Back to their culture

Toute saga a une fin : arrivés à un certain point d’essorage, les studios et leurs team de scénaristes ont trouvé la parade ultime pour provoquer un sursaut d’intérêt : venez quand même, c’est le...

le 21 déc. 2019

215 j'aime

15

Star Wars - L'Ascension de Skywalker
Larrire_Cuisine
6

[Ciné Club Sandwich] Marche arrière à 12 parsecs sur l’autoroute spaciale de l’incohérence

DISCLAIMER : La note est une note par défaut, une note "neutre" qui correspond à la moyenne (arrondie) de l’oeuvre au moment où on publie la critique. Avant, on mettait 5 à tous les films mais il...

le 19 déc. 2019

171 j'aime

18

Du même critique

Madame Bovary
Aldorus
4

Emma la femme de mauvaise vie

Non non et non, rien à dire sur un style d’une perfection sans faille (j’aime les pléonasmes) dont on nous a rebattu les oreilles jusqu’à épuisement en classe de Terminale. Rien à dire sur le...

le 12 août 2016

19 j'aime

11

proanomie
Aldorus
5

L'indestructible

Et si, dans un genre lui-même terré au fin fond des abysses de la musique, existait encore un sous-genre si obscur que même les fonds marins n’auraient rien à lui envier en termes d’underground...

le 17 janv. 2018

11 j'aime

Cro Man
Aldorus
4

Décevant, y a pas foot-o

Pour peu qu’on soit un tantinet afficionado de Wallace & Gromit c’est toujours avec plaisir que l’on s’introduit dans une salle projetant le dernier des studios Aardman. En termes de créativité...

le 8 févr. 2018

11 j'aime

1