Hallucination collective, simple rêve au bien fantasme ; Spring Breakers est en lutte perpétuelle contre la réalité. Son rapport étrange à la temporalité, ses échelles de plan imparfaites et ses lumières fantaisistes participent à la construction d'un espace alternatif en quête d'existence.


C'est bien à l'image de ses protagonistes que le long-métrage se bâtit. En filmant sa première scène forte de l'extérieur d'un bâtiment, Harmony Korine place les quatre étudiantes dans un univers qu'elles se créent elles-mêmes, en bouleversant un ordre moral qui n'a plus de valeur hors du cadre scolaire, symbole d'aliénation et de conformisme. Cette disruption des rapports de force se retrouve dès lors au centre du film et guide les oppositions qu'il met en valeur : entre hommes et femmes, tendresse et tribalité, foi et découverte de soi... Elles traduisent la quête d'identité des personnages, tiraillés par des injonctions contradictoires et forcés à faire des choix.


Trois réponses sont apportées à ces dilemmes moraux, portés par les différents comportements des étudiantes. Celles de la foi et de la peur, qui rejettent finalement la subversion du voyage en Floride : les déserteuses sont alors filmées endormies, comme si elles avaient volontairement choisi de quitter un fantasme dont elles avaient rêvées. Les deux dernières survivantes, en revanche, acceptent et adoptent la subversion, assument le bouleversement des rapports de force, comme en témoigne le dernier plan qui les filme à l'envers.


Dans cet univers onirique, peu de place est laissée à la tendresse et la naïveté. Lorsque le personnage de James Franco tente d'apporter une touche musicale à son personnage pourtant bestial, le morceau sonne faux et les filles s'en moquent tout en restant fascinées. Les deux rivaux en guerre, pourtant amis auparavant, cherchent à se neutraliser. Les résurgences de tendresse sont vite oubliées puisque l'affranchissement des normes de société se fait par la brutalité et la violence.


Spring Breakers met en scène une quête d'identité, une vraie-fausse coming-of-age story sous forme de fantasme collectif. Ses airs trashs, initialement rebutants, cachent le portrait d'une jeunesse perdue qui cherchent des réponses dans la tentation de ses instincts primitifs. Cru et finalement faible en émotions, le film peine à mouvoir mais parvient tout de même à choquer. Le peu de place réservé à la beauté symbolise une œuvre qui, comme ses protagonistes, ne se connait pas vraiment elle-même et peine à exister.


Sans grande prétention mais joliment honnête, le film de Harmony Korine arrive à laisser une trace dans le genre des teen movies aux allures trashs, au sein duquel Assassination Nation de Sam Levinson arrivera quelques années plus tard à offrir une œuvre plus aboutie.

Meyga
7
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le 1 janv. 2022

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