Hallucinant. C'est sans doute le terme qui reviendra le plus souvent pour qualifier Spring Breakers, le nouveau film d'Harmony Korine connu pour être le scénariste de Kids et et Ken Park, deux films sulfureux réalisés par Larry Clark.
On avait suivi la genèse de ce projet avec intérêt : James Franco en gangsta bligbling les dents bagouzées d'argent, entourés par de (très) jeunes comédiennes en petite tenue issues de la génération Disney Channel. Ça avait tout pour intriguer. Et le résultat est à la hauteur de ce à quoi on s'attendait : un trip hallucinant.

On embarque donc pour le Spring Break. Période de vacances correspondant à nos congés de Pâques, ce sont deux longues semaines pendant lesquelles les étudiants américains sont censés décompresser avant d'attaquer la fin de leur scolarité. Mais au fil des années, c'est devenu une tradition que d'aller faire la fête au soleil, fêtes qui finissent souvent dans l'excès : on s'amuse, on profite de la plage et de la piscine, mais on en profite aussi pour se lâcher complètement. Alcool, drogue, baise, tout y passe sans limite. Chacun y fait ce qu'il veut mais difficile de résister à la tentation.
C'est d'ailleurs sur ces images que le film d'Harmony Korine commence. Des corps sur la plage, en petite tenue, filmés de près et dans des poses lascives. On s'y fait couler de la bière dans le gosier via des tuyaux, on fume et n'importe quoi et on s'en fout complétement de s'envoyer en l'air à coté de ses potes.

C'est dans ce délire que vont s'embarquer les quatre héroïnes du film. Ou 3 + 1 d'ailleurs puisque Faith (Selena Gomez) est un peu à part. Elle est la jeune fille sage du groupe, celle qui vit dans une famille croyante et qui part avec ses copines pour vivre quelques choses. Les trois autres sont plus dévergondées, plus trash et vont aller jusqu'à braquer un fast food pour récupérer l'argent nécessaire au voyage.
Arrivées sur place, elles se laisseront aller à la fête et profiter comme il se doit de tous les plaisirs que le Spring Break peut offrir. Mais ce joyeux bordel est régulièrement contrôlé et les quatre belles finiront au poste après une descente de flics dans un appart' où des mecs sniffaient de la coke sur les seins d'une fille. C'est là que va entrer en scène Alien (James Franco), un petit truand local qui va les prendre sous son aile, voir même sous son contrôle. Et que la descente aux enfers va commencer.

Cette descente, Harmony Korine la filme comme un rêve qui vire au cauchemar. Très découpé, avec des scènes se répétant, des séquences parfois pas toujours chronologiques, Spring Breakers est un vrai film de monteur et un trip sensoriel. Musique bruyante, gros bruitages de transition, nombreuses scènes filmées avec des néons de couleurs. Le réalisateur met en scène un rêve éveillé qui tourne au drame, le genre qui donne envie de se réveiller pour en sortir. Il commence son film par des couleurs vives, et des gros plans des corps parfois cadrés de manière indécente pour finir dans la nuit.
Tout le film est d'ailleurs porté par l'image, les dialogues ont beaucoup moins d'importance que le visuel. C'est aussi pour ça que Korine ne lâche rien, plongeant le spectateur dans l'érotisme du Spring Break, filmant au milieu des corps. Il parvient également, grâce à ses ambiances, à jouer avec nos sensations : ce qui peut paraitre sexy sur le papier ne l'est pas forcément et d'autres scènes pourtant malsaines d'apparence finissent par l'être, ce qui permet notamment au personnage d'un James Franco éblouissant de talent (s'il fallait encore une preuve qu'il est l'un des meilleurs acteurs actuels, la voici) de nous paraitre presque, sympathique, attirant, et de voir des jeunes filles en bikini et avoir envie de les renvoyer s'habiller un peu plus...

On finit déboussolé par ce tourbillon d'images, comme témoins de ce que vivent les quatre filles. Comme prévu d'ailleurs, les actrices cassent leur image Disney Channel comme il faut, en la jouant sexy en diable dès les premières images (mention particulière au plan où Vanessa Hudgens mime une fellation en plein cours). Seule Selena Gomez restera plus en retrait comparées aux autres. Mais nul doute que les fans des comédiennes verront désormais d'un autre les potentiels prochains High School Musical et consort.
Et à travers leur aventure, Harmony Korine dresse le portrait d'une jeunesse paumée, qui se laisse facilement débaucher et manipuler, mais semble avoir comme un besoin vital de ce rite initiatique qu'est le Spring Break, comme une épreuve pour trouver sa voie et découvrir quelles sont ses limites.

Malgré une fin un peu bâclée parce qu'il fallait bien faire quelques choses des personnages et faire tomber le rideau, Spring Breakers est un film réussi, un vrai trip hallucinant porté par d'excellents acteurs et un réalisateur qui livre un boulot particulier et particulièrement réussi. Dur, sexy, violent, coloré, malsain, orgasmique. Du cinéma qui procure de vraies sensations.
cloneweb
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le 19 févr. 2013

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