Spiderhead
4.9
Spiderhead

Film de Joseph Kosinski (2022)

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Jeff (Miles Teller) est enfermé dans une prison au concept novateur. Sur une île déserte, sans aucune serrure (sauf sur la porte principale), les détenus sont ici sur la base du volontariat. Ils mangent bien, ils ont des distractions, ils sont libres de leurs mouvements, seule contrainte : ils ont accepté qu'on teste sur eux des substances pharmaceutiques en phase d'essai, sinon ils repartent dans une prison d'état. Sous la direction de Steve Abnesti (Chris Hemsworth, au sommet de sa forme), les prisonniers se voient donc injectés des drogues qui amplifient leur sentiment... mais peut-on vraiment contrôler les sentiments humains jusqu'au bout ?

Cette sorte de faux suspense que j'instaure à la fin du résumé ci-dessus n'est malheureusement pas de moi, c'est celui que le film essaye en vain d'entretenir au gré d'un scénario vraiment bancal. En effet, c'est un peu triste à dire, mais Spiderhead est à classer dans la catégorie des films dont l'élément le plus réussi (ou presque) est... la bande-annonce.

Ne soyons pas mauvaise langue, on passe un bon moment devant le film de Kosinski. Mais on rage de voir un scénario à si haut potentiel massacré par un duo de scénaristes vraiment pas à la hauteur. En effet, les scénaristes des sagas Deadpool et Bienvenue à Zombieland s'emparent ici d'un pitch excellent et ne l'utilisent que pour enfoncer les portes les plus grandes ouvertes de la science-fiction. Alors que le scénario de base devait pousser à une réflexion sur la nature des sentiments qui nous habitent, leur origine, leurs conséquences, la complexité de l'âme humaine et son incroyable capacité à faire de mauvais choix malgré de bonnes valurs, la possibilité du pardon et celle encore plus grisante d'une société juste, tout cela est constamment effleuré sans jamais rentrer dans le vif du sujet. Peut-être pour ne fâcher personne, peut-être par flemme, Spiderhead se contente d'enfiler les lieux communs sur le libre-arbitre et la liberté, des lieux communs qu'on a déjà vu 100 fois dans de meilleurs films...

Pire, ils font monter tout un mystère autour du (très bon) personnage d'Abnesti pour ne déboucher que sur une micro-révélation qui ne nous donnera jamais toutes les réponses aux questions qu'on avait.

Cela signifie-t-il que Spiderhead soit un mauvais film pour autant ? Au de la somme de talent qu'on y trouve, ce serait particulièrement pénible de le reconnaître... Dieu merci, non. Plusieurs personnes sauvent le film du marasme dans lequel ses scénaristes semblent vouloir le faire plonger. Fort de son passé d'architecte et de designer, Joseph Kosinski nous offre comme à son habitude une réalisation particulièrement léchée et qui revêt bien plus de sens et de subtilité que le triste scénario du film. Sa capacité à créer des espaces tout en formes géométriques touche ici à son apogée. A l'encontre du discours d'Abnesti qui prétend que les "prisonniers" sont (presque) totalement libres dans cette étrange prison, les plans de Kosinski et de son directeur photo Claudio Miranda les enferment dans des espaces régies par des lignes droites qui s'interrompent brusquement, des polygones terriblement clos et réguliers qui oppressent leurs habitants et leurs spectateurs.

Sur la forme, donc, Spiderhead séduit largement, grâce à une caméra solidement maîtrisée, des décors parfaitement adaptés, et un casting au top du top. Chris Hemsworth domine bien évidemment la distribution, par son magnétisme, et la terrible ambiguïté du monsieur trop parfait, trop sympathique, finalement trop honnête pour être honnête. Sa prestation irréprochable, alliée à la mise en scène de Kosinski, réussissent sans cesse à créer un sentiment de malaise grandissant. On rit, on frissonne, on s'énerve au même rythme que Miles Teller et ses infortunés co-détenus.

Il est alors dommage de voir le film reculer en permanence devant les bonnes idées qui s'offrent à lui, et particulièrement dans un troisième acte où tout aurait dû péter, que le scénario évacue en quelques minutes. Le chaos final est tellement sage qu'on se demande si quelqu'un a regardé le film avant de le sortir sur Netflix. Et pourtant, tout était en place pour nous offrir un climax dingue, qui aurait terminé le film de manière satisfaisante. En l'état, c'est plutôt sur une touche amère qu'on en sort, tant la dernière demi-heure détruit toutes les espérances que les brillantes 1h15 précédentes nous avaient permis d'acquérir.

Tant pis, on se satisfait toujours de ce qu'on a en se disant qu'on a passé un bon moment, mais que, contrairement aux personnages du film, on n'aura pas trop de mal à l'oublier...

Tonto
6
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le 3 juil. 2022

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Tonto

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