Spetters
7.3
Spetters

Film de Paul Verhoeven (1980)

Au centre de Spetters : Trois copains qui font du motocross : Rien, Eef et Hans. A partir de là, le film aborde de nombreux thèmes :
- la camaraderie qui est vécue sous un mode de compétition touchant beaucoup de domaines, entre autres : le sport, le sexe, leur avenir. Les uns devant les autres, ils bluffent et cachent leur fragilité et leur impuissance parfois au sens propre du terme. Cette camaraderie, basée sur l'apparence, ne tient pas quand survient l’inattendu, trop dur à gérer ;
- le rêve d’un ailleurs, d’un accomplissement, de la célébrité. Leurs aspirations vont rencontrer celle de Fientje, une jolie blonde qui tient un stand de frites avec son frère dans leur caravane. Fientje n’a qu’un but : gagner de l’argent pour échapper à son trou. Tous ses choix se font en fonction de cela. Elle va passer de l’un à l’autre des trois copains suivant ce qu’ils peuvent lui offrir, ou non, comme espoir d’échapper à sa condition.
- la religion présentée ici soit sous une forme de fanatisme et d’intransigeance, soit sous une forme d’exaltation et d’évasion de la réalité, selon une approche magique ;
- l’homosexualité et l’homophobie qui est montrée dans toute sa violence et non pas justifiée comme on a pu le reprocher au film ;
- le handicap qui survient brutalement et qu’il faut apprendre à accepter avec ce qui l’accompagne : les regards apitoyés, les amis qui se détournent, la diminution ou la disparition totale de ses possibilités.


Si le film est dur, Verhoven n’a pas oublié d’y ajouter des touches d’humour, selon son habitude de ne pas prendre les choses trop au sérieux. La soirée où chacun des copains se retire dans un coin avec une fille pour coucher avec est particulièrement drôle… tout en mettant le doigt sur le personnage fictif que ces jeunes endossent.


Spetters marque un tournant dans la carrière de Verhoeven. D’abord il est le premier film qu’il réalise en partant de rien. Jusque là ses films étaient basés sur des romans ou des autobiographies. Soldaat van Oranje, tourné 4 ans auparavant, mettait en scène des personnages fortunés, des intellectuels et aristocrates néerlandais. Avec son complice le scénariste, Gérard Soeteman, Verhoeven a voulu faire autre chose et montrer la société néerdlandaise sous un autre jour, celle des villages des Pays-Bas dans lesquels on voit des ouvriers et des jeunes de la classe populaire. Le point de départ du film a été :
- une pièce de théâtre que Gérard Soeteman avait vue et qui mettait en scène un tétraplégique,
- l’univers du motocross qui intéressait le même Gérard Soeteman.
A partir de ces deux thèmes, Verhoeven et Soeteman ont bâti leur histoire. Il leur a fallu un an pour bâtir le scénario.


Ce film est réaliste et d’une grande dureté. Pour cette raison, Verhoeven a eu du mal à obtenir des subventions de l’État pour le financer. La commission trouvait qu’il montrait une image trop décadente des Pays-Bas et que le personnage principal féminin était une « traînée ». Verhoeven a réécrit le script pour obtenir les subventions, mais il a tourné le film tel qu’il l'avait prévu… Il s’est fait, suite à cela, des ennemis. On peut comprendre… Il n’a pu obtenir, par la suite, de subventions dans son pays, pour réaliser ses films et c’est pourquoi il s’est tourné vers les USA qui lui faisaient des propositions intéressantes depuis la sortie de : Soldier of Orange. C’est ainsi que Spetters a débouché sur la carrière de Verhoeven aux USA.

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le 16 mars 2022

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abscondita

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