Spermula
4.2
Spermula

Film de Charles Matton (1976)

La femme érotisée est un ange de l'avenir

Il est des œuvres dont la structure, le récit et l’agencement des scènes échappent à l’entendement du spectateur. Spermula s’intègre à coup sûr dans cette frange du cinéma indépendant qui a vu le jour en pleine révolution sexuelle et qui habillait sa démarche protestataire d’un voile aussi érotique que labyrinthique. Les Valseuses et Emmanuelle, pour n’en citer que deux exemples. Nous regardons ces corps se rapprocher et s’enlacer, nous ne comprenons pas ce qui se joue sous nos yeux mais ressentons une multitude d’émotions qu’un montage abrupt fait brutalement cesser.


Au choc rythmique correspond un choc esthétique : nous n’arrêtons pas de passer des maquettes champêtres aux intérieurs futuristes dans lesquels perce pourtant un mobilier baroque. Le réalisateur mêle les âges de la mode, emprunte au libertinage des Lumières tout comme aux rigueurs d’un style Bauhaus. Et face à cette stylisation bariolée et maniériste se tisse un propos politique libertaire dont la finalité consiste à transformer la femme en créature castratrice et disposée à se rendre maître de son propre plaisir. L’homme, au contraire, subit une renaissance qui le prive du régime phallocratique dans lequel il vivait jadis ; il s’agit, pour lui, de ne plus être « un homme d’autrefois ».


La voix off débite des propos langoureux dont on ne comprend mot, rappelle en cela le cinéma de Marguerite Duras et la discordance entre la voix de personnages insérés dans le récit et celle d’une instance extradiégétique, à la manière du chœur des tragédies antiques. Spermula est une révolte désordonnée et affranchie de toute rigueur, mais qui trouve paradoxalement dans ses élans de liberté une énergie érotique et burlesque plutôt jouissive. Étrange expérience que ce film signé Charles Matton. Une expérience dont l’imperfection est certes flagrante, mais constitutive de son potentiel d’envoûtement et de suavité.

Créée

le 12 oct. 2019

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