PLANÈTE WACHOWSKIS (1 Spoil à prévoir)

Foulée en l'an 1999, la planète Wachowski n'aura connu le succès qu'une seule fois. "Matrix" constitue pour beaucoup une oeuvre phare se passant, dans le cadre d'une politique d'auteur, des opus suivant. Ces derniers affichant pourtant une forte excentricité et un plaisir incommensurable dans le domaine de l'expérimentation des formes (Speed Racer), de la piste réflexive (Matrix Reloaded) ou de l'interrogation de l'écriture cinématographique (Cloud Atlas). Quel plaisir donc de voir que depuis la débâcle populaire mais non artistique du second et troisième volet des Matrix et de Speed Racer, la planète Wacho garde toute sa fraicheur de terre non labourée par les analystes de tout poil regroupant "nerds", "journaleux" et sociopathes du tweet. Une filmo avalée et quasi recrachée par le cul par toute une clique abordant une moue dédaigneuse tout en préférant s'étriper sur le nombre de poils de Chewbacca ou la prédominance de Marvel sur DC. Une terre vierge donc, pour une poignée de cinéphiles planquant jalousement leur trésor de celluloide en priant le Dieu Cinoche que la réhabilitation des frangines n'aura pas lieu. Ici, pas de querelles de chapelle avec le quidam cinéphile énervé mais bien un égoïsme pur de l'adorateur de l'oeuvre des soeurettes, la tête baignée de vignettes polychromes à la scénographie hors du commun et au ludisme omniprésent dissimulant oirigines sociales au premier échelon et sexualité fusionnée. En quelques mots, une race à part libérée de la Matrice Hollywoodienne et du quand dira-t-on.


"L'Art du XXème siècle est comme une bouteille jetée à la mer" disait l'autre et le destin de "Speed Racer" confectionné pourtant en 2007 pourrait en être l'exemple parfait. De l'aveu même de la fratrie, le film est un cadeau à leurs neveux et nièces ne pouvant décrypter les lectures multiples de la saga Matrix. "Speed Racer" est le live pour gosse le plus adulte depuis l'extraordinaire "Babe 2, un cochon dans la ville" car comme lui la forme maitrisée semblable à un jeu d'éveil (l'emboitement de couleurs) se dissocie d'un fond dark faussement joyeux entre joie familiale, abandon et deuil. L'animé original dont l'imaginaire de la fratrie est venu se greffer pour en modeler une matière psychanalytique pourrait s'apparenter à un auto-portrait social, physique et culturel. Si les Wachows ont toujours été discrets sur leur vie privée "Speed racer" plus encore que "Matrix" brosse le portrait d'une réalité de la vie d'adulte vue ici par le prisme de l'enfance. Il y est ici question de sport truqué, de champions façonnés et d'un système dont l'artisanat ne saurait trouver une fin en soi. L'éternel combat entre le travail fait main et celui plus grossier assemblé à la chaîne.


Deux frères, une passion, le sens de la compèt', une famille unie... La passion de l'automobile et ses coups de clef à molette donnés dans le garage n'est que la couverture de l'obsession cinématographique des Wachows. Il suffit de convertir la douloureuse épreuve du personnage de "Speed" et ses désillusions quant à la réalité de l'univers mécanique et ses coups bas. Un morceau de fiction facilement identifiable où l'on imagine aisément les deux futurs artistes bricolés des "home movies" avant de se frotter au système des studios et de se voir coller un sérieux coup de boule avec leur premier script "Assassins" complètement mutilé par des exécutifs cupides. Mais il n'y a pas que sur le plan artistique que "Speed racer" renvoie l'image d'une existence réelle. On peut clairement lever le voile sur la cellule familiale des ex frangins prenant corps au sein d'une middle class ricaine à l'abris du besoin et la naissance des peurs très humaines engendrées par la séparation causée par le deuil. Si Andy et Larry sont quasiment reliés par la hanche, l'abandon matérialisé par le décès de "Rex" frère de "Speed" s'inscrit dans une logique de gémellité. Un lien invisible et indéfectible qui mènera les auteurs à leurs futurs transformations corporelles. Un secret sous la forme d'une chrysalide plantée au coeur de chaque oeuvre dans une filmographie identitaire. L'être nouveau est né et avec lui l'assurance d'un divertissement ludique et progressiste.


Retour sur "Cloud Atlas" des Wachowskis par Batmananarchiste:


https://www.senscritique.com/film/Cloud_Atlas/critique/23812962


Retour sur "Jupiter Ascending" par Star-Lord:


https://www.senscritique.com/film/Jupiter_Le_Destin_de_l_univers/critique/54850633

Star-Lord09
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le 21 janv. 2018

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