Dès les premiers plans on comprend qu'Anna, jeune adolescente brune aux yeux bleus profonds et fuyants, est dotée d'une sensibilité hors du commun ainsi qu'une interiorisation de ses émotions la confinant à une forme d'autisme présentée comme handicapante au quotidien. Cette nouvelle Lullaby semblant échappée de la nouvelle de Le Clézio par sa disposition naturelle a s'échapper hors du monde a d'ailleurs elle-même une jolie métaphore géométrique de sa situation dans l'espace mondain : ce dernier est comme un cercle, ceux qui l'habitent sont à l'intérieur tandis qu'elle est à l'extérieur. Chaque interraction avec autrui lui apparaît d'une extraordinaire violence, c'est pourquoi elle cherche à fuir les situations sociales qui la mettent hors d'elle : elle déteste les fêtes et toute sorte de réception, aime s'isoler avec son carnet à dessin et un crayon à papier pour synthétiser par des esquisses ce monde dont elle comprend mal les règles.
De surcroît, elle souffre d'asthme, ce qui amène sa mère adoptive à l'envoyer chez son oncle et sa tante dont elle ne se souvient guère mais qui habite une maison à la campagne. Peu enchanté par cette décision et ayant même bien du mal à dissimuler sa bougonnerie, Anna se soumet bon gré mal gré à cette décision. Mais, après des débuts difficiles avec les enfants du village, elle va faire connaissance avec une étrange jeune fille nommée Marnie au contact de laquelle toute difficulté relationelle disparaît soudainement, rendant possible une forme de communication existentielle hors du temps, spontanée et limpide accompagnée du plaisir de n'être plus seule ainsi que d'une tendresse réconfortante pour l'une comme pour l'autre.
Cette histoire d'amitié et de rédemption est contée au travers de dessins somptueux qui ressemblent souvent à des aquarelles, notamment les beaux couchers de soleil sur le lac et la villa.
Si le film est foncièrement mélancolique et teintée d'une émotion intense qui perce et prend aux tripes presque à notre insu, il n'est pas pour autant dénué d'un humour espiègle et de détails trahissant un plaisir pour le travail méticuleux contribuant à donner à l'ensemble une profondeur troublante.
Finalement, le film nous enseigne que l'ascèse amène ceux à qui elle s'impose à renouer avec le monde avec leur puissance propre.
A inscrire aux côtés des plus beaux films d'animation japonais sortis ces dernières années.