Miyazaki est retraité, vive Miyazaki !
Souvenirs de Marnie ( Omoide no Mânî en japonais) est l'adaptation cinématographique du roman Britannique pour jeunesse "When Marnie was there" de Joan Gale Robinson, au passage une des 50 œuvres littéraires recommandées par monsieur Miyazaki en personne. Le film narre l'aventure d'Anna une jeune fille de 12 ans asthmatique et renfermée ayant perdu ses parents tout juste nourrisson. Sa maladie s'aggravant, sa mère adoptive décide de l'envoyer chez de la famille, les Oiwa, vivant dans un petit village reculé au bord de la mer. C'est là-bas qu'elle fera la rencontre d'une intrigante fille de son âge à la chevelure blonde, la bien nommée Marnie.
J'ai toujours eu une vision bien à moi de ce qu'est l'amour au sens premier du terme. Elle diffère principalement du commun des mortels dans le sens où je ne crois pas qu'une relation passionnelle envers une personne puisse être véritablement éternelle. Tôt ou tard, la flamme ardente qui anime le cœur fait place à une rivière de larmes. Cette relation fantasmée entre deux individus n'est que dans le majeur des cas éphémère. Les meilleures choses ont une fin comme on dit. L'amitié par contre ça me botte plus ! Pour peu que le/la concerné(e) ait véhiculé une image suffisamment représentative de sa personne, la complicité peu perdurer au-delà même du temps. Je trouve ça plus beau et surtout plus sincère. L'œuvre avait donc par conséquent les atouts nécessaires pour cribler de balles mon petit cœur désarmé.
La première chose qui saute aux yeux quand le film débute, c'est que c'est beau ; très beau ! C'est bien simple on en prend plein les mirettes. Et ce, aussi bien en terme de graphisme que d'animation. Le character-design soigné, les mouvements des personnages réalistes, les couleurs chatoyantes, l'eau sublimement reproduite... Tout juste si je pouvais apporter un bémol à cette partition savamment orchestré, serait que justement tout est trop bien fait. Marnie ressemble à une poupée, Anna même si elle est empreinte à certains doutes à ce sujet est ravissante, le manoir au bord du marée digne d'une carte postale, le village, la vue magnifique qui en découle et sa vergeture... Le tout donne un résultat trop parfait, trop lisse. J'aurai apprécié constater que même derrière ce cadre idyllique, il y subsistait une certaine part de noirceur comme dans Princesse Mononoke par exemple.
A contrario, là où le film se détache des autres productions du studio est dans sa construction narrative demandant une certaine maturité. Il y a des subtilités psychologiques qu'un enfant de bas âge ne pourra pas discerner et c'est d'autant plus dommageable quand ces dernières font office de colonne vertébrale au récit. L'un des grands intérêts de Souvenir de Marnie est d'aborder la psychologie de la pré-adolescence. On nous propose ici un personnage complexe, évoluant continuellement au gré du temps à mesure que le ciel perlé fait place au bleu azur.
Du fait de sa couleur d'iris inhabituelle (au Japon) et de son manque de racine, Anna est perdue et ne s'aime pas. Pourquoi ai-je les yeux bleus ? Pourquoi les autres ont ils des parents et pas moi ? C'est d'autant de questions qui trouveront une réponse. Par le biais de son amie, sa perception de la vie va évoluer. Le point d'orgue sera la scène du silo, assimiler par notre protagoniste comme ce qu'il y a de plus noir en l'homme. C'est l'étape prédominante qui libérera Marnie de ses craintes d'antan et la fera aller de l'avant. Finalement, le monde n'est pas aussi cruel que ce qu'elle aurait pu imaginer. Car elle ne fait pas que passer des bons moments auprès de Marnie, non, elle grandit à ses côtés.
La réalisation à l'image du visuel du film est sans bavures, millimétrées. Quant à la bande-originale, à défaut d'être entêtante, (il n'est pas chose aisée de passer après Joe Hisaishi) elle a le mérite de retranscrire musicalement avec maestria les fluctuations du cœur d'Anna.
En résumé :
Les + :
- Le graphisme
- L'animation
- Le visuel de certaines scènes à tomber par terre
- La psychologie des personnages travaillée
- La relation des deux protagonistes plutôt touchante
- Le mystère qui entoure Marnie
- La musique
Les - :
- La beauté omniprésente qui donne une impression de "calibrer pour gagner"
- La présence de passages clichés en plus d'être très ambigus tant ils se révèlent être à la limite du romantique
- La mièvrerie ambiante qui ne fera pas l'unanimité
- Le rythme lent dans la première partie susceptible de faire décrocher les moins aguerris
- La réalisation manquant de panache
- La fin étonnamment explicative pour un Ghibli qui arrive par-dessus le marché avec des gros sabots
Globalement, Souvenirs de Marnie est un bon film ! Un Ghibli certes mineur, mais honorable. Et pourtant, c'était loin d'être gagné. Car avec tout le respect que je dois à Monsieur Yonebayashi, je ne pouvais m'empêcher d'émettre des doutes face à son éventuelle relève. Après tout, donner les rênes à un jeune loup arrivait au studio dès son plus jeune âge après l'obtention de son diplôme en 96, (de ce fait formaté à une certaine doctrine "Ghibliesque") comportait le risque d'aboutir à un Miyazaki-like fade et sans âme. Il n'en n'est rien.
Marnie, where are you ?