Au Honduras, Roberto, un père de famille (José Zùñiga) accepte d'envoyer ses enfants à une audition pour devenir mannequins. Lorsqu'il vient les rechercher après la séance photo, il tombe sur une chambre d'hôtel vide. C'est que les enfants ont été enlevés par un réseau de trafic pédocriminel... Roberto contacte alors Timothy Ballard (Jim Caviezel), agent gouvernemental traquant les pédophiles, qui part sur la piste des enfants, prêt à tout pour les retrouver. Même à démissionner pour agir sans la protection du gouvernement...

Peut-on parler d'un film dont la sortie est encombrée par une vaine polémique sans entrer dans ladite polémique ? Oui, évidemment, et si l'on aborde ces vives discussions qui entourent le film en début de critique, ce n'est que pour mieux les évacuer.

Disons-le donc bien clairement : RIEN N'EST POLEMIQUE dans ce film. Si des cercles dont l'honnêteté intellectuelle reste à prouver se sont emparés du film pour dénoncer une quelconque théorie du complot ou pour accréditer la théorie en question, ils n'ont fait que calquer sur l'œuvre des idées qu'elle ne porte en aucun cas.

Rassurons donc les quelques vierges effarouchées qui pourraient se manifester dans un exercice d'autosatisfaction déplacé : on ne trouve nulle part dans le film le mot d'adrénochrome, pas plus qu'on ne sous-entend l'implication d'un vaste complot mondial impliquant certaines élites dans les trafics d'enfants ou qu'on ne dénonce quelques noms connus par pur attrait du sensationnalisme. Rien de tout cela, donc, et d'ailleurs, même la dimension chrétienne du film est plus que discrète : le nom de Dieu n'est mentionné que dans deux répliques, et il n'en est jamais question en-dehors de ces deux mentions.

Voilà pour la polémique. On ne peut pas, tout de même, terminer cette mise au point sans évoquer la bêtise, l'inconscience ou l'hypocrisie des gens qui ont tenu à accoler l'étiquette "complotiste" sur ce film qui ne l'est évidemment pas. De qui fait-on le jeu en cherchant à décrédibiliser ce film ? Ne se positionne-t-on pas de facto du côté des réseaux pédocriminels eux-mêmes en prétendant voir là un brûlot mensonger qui n'aurait aucune légitimité ? Si cette complicité est bien plus le fait de la bêtise que d'une quelconque réflexion chez des gens qui en semblent privés, affirmons nettement qu'elle représente un des plus abjects exemples de collaboration avec le Mal. Et cette complicité est peut-être encore plus effrayante que ce que le film nous montre.


Justement, que nous montre-t-il, ce film ? Le réalisateur du déjà magnifique Little Boy s'attaque ici à un sujet qui parle à nouveau de l'enfance mais à l'opposé de son précédent film, il nous plonge dans une horreur inimaginable. Pourtant - et c'est là la plus grande force de l'œuvre - Monteverde le fait avec une pudeur et un respect qui force l'admiration.

Sound of Freedom était menacé par deux pièges majeurs : faire du voyeurisme ou faire du tire-larmes. Le premier piège est évité avec brio. La mise en scène élégante et savamment étudiée d'Alejandro Monteverde fonctionne parfaitement, et sait évoquer l'horreur (la scène d'ouverture avec ces adultes qui font poser les enfants pour un photographe, en les sexualisant peu à peu est glaçante) sans qu'elle ne devienne trop démonstrative ou qu'elle nous fasse assister à ce qu'on n'aurait pas voulu voir. Le viol d'enfants n'est (heureusement) suggéré que par un rideau qui se ferme sur la fenêtre d'une chambre d'hôtel, le trafic inhumain sera réduit à l'écran à une poignée d'enfants transportés dans un conteneur et les pédophiles montrés dans le film sont plus souvent montrés en train de rire grassement autour d'une coupe de champagne que d'ouvrir leur braguette. Et c'est tant mieux, car il n'était nul besoin d'aller trop loin dans l'illustration frontale de l'horreur pour la comprendre. Ce qui est montré est suffisamment explicite pour nous faire ressentir des sueurs froides bienvenues mais pas assez pour qu'on sorte du film avec l'impression de s'être définitivement souillé les yeux et l'esprit. Un équilibre salvateur, donc, qui joue beaucoup dans la réussite du film.

Deuxième piège à éviter : le tire-larmes. Sound of Freedom réussit-il à l'éviter avec le même talent que le voyeurisme ? La réponse est franchement non, et c'est probablement une des limites du film. Autant le film n'en fait pas trop dans la représentation de la pédophilie, autant il nous abreuve trop souvent de plans sur des adultes en train de pleurer (le héros, de préférence), d'enfants qui rient/sourient en comprenant qu'ils sont délivrés, ou au contraire de regards contristés d'enfants captifs... Bien sûr, il faut humaniser le récit, nous le faire voir à travers le regard de ceux qui l'ont vécu, mais l'équilibre n'est pas toujours respecté. Garder une sobriété dans la représentation de l'émotion aurait été préférable, et Monteverde a du mal à rester dans la suggestion à ce niveau-là. Ce défaut du film - mineur à mon sens - pourra en énerver légitimement plus d'un et on ne pourra pas leur donner tout-à-fait tort.

Il serait toutefois regrettable de se focaliser dessus pour invalider un film qui a beaucoup plus que cela à proposer.


Peut-on établir la part de vérité dans Sound of Freedom ? Pour ma part, j'en serais incapable et n'essaye pas de le faire. Comme TOUS les films "inspirés de faits réels", le film de Monteverde assume sa part de fiction comme les autres (estimée par le réalisateur à plus ou moins 30% du scénario) et ne prétend pas viser à la stricte réalité. Aucun film historique ou traitant de sujets réels ne prétend le faire, on ne voit pas pourquoi le reprocher davantage à Sound of Freedom qu'à d'autres. En sachant que le film prend sans aucun doute certaines libertés avec les événements réels qu'il raconte, on peut toutefois juger de la puissance du récit, de sa portée, de la manière de le raconter, et de ce qu'on en tire.

Une des plus grandes qualités du film est probablement sa mise en scène. La caméra de Monteverde sait se poser quand il le faut pour laisser le drame se dérouler sans y ajouter un quelconque procédé qui altérerait sa narration. Mais il sait aussi magnifier la dureté de son sujet, en la rehaussant par des procédés aussi discrets qu'efficaces. On ne peut pas ne pas évoquer le magnifique climax du film, où l'on voit Tim Ballard combattre un agresseur sexuel sous les yeux de la victime, fillette d'une dizaine d'années coincée, impuissante, sur le lit où elle a déjà été violée plusieurs fois. La caméra alterne alors entre des plans sur la bagarre et d'autres tout noirs au rythme de l'enfant qui ferme les yeux, mais n'arrive pas à les garder fermés. Ce qui aurait pu être une scène de bagarre conventionnelle acquiert une puissance narrative impressionnante, constituant une apogée plus qu'acceptable au récit.

D'ailleurs, tout le récit est savamment construit. Autant on peut lui reprocher d'héroïciser peut-être un peu trop son protagoniste (mais là encore, pas spécialement plus que d'autres films historiques), autant on ne peut que mettre à son crédit une belle montée en puissance, qui nous fait faire un joli chemin du début à la fin.


Porté par une musique qui confine régulièrement au sublime, ce qui se comprend quand on sait qu'elle a été composée par le grand Javier Navarrete, Sound of Freedom impressionne par ses belles capacités narratives. D'une pureté angélique, le film s'appuie en outre sur un bel étalage de talents, à commencer par Jim Caviezel, bien sûr, dont le regard intense capte toujours autant l'attention. Mais les seconds rôles ne sont pas en reste, et le personnage peut-être le plus attachant du film est incarné par le génial Bill Camp, rôle éternellement tertiaire vu dans pas mal de grands films (Public Enemies, Lincoln, Strictly Criminal, Hostiles ou Joker, mais aussi et surtout les très belles séries The Outsider ou Le Jeu de la dame), qui dévoile un spectre de jeu d'une jolie variété.

Ce soin apporté aux personnages secondaires, culminant dans quelques tirades au potentiel émotionnel indéniable (difficile de résister quand Bill Camp explique ce qui l'a amené à quitter son cartel pour revenir dans le camp du Bien), est sans doute ce qui attire le plus notre indulgence sur un film au sujet un peu trop gros pour lui, mais qui l'illustre avec une sincérité touchante.


Et finalement, peu importe que les scènes soient trop courtes et les dialogues parfois trop rapides, peu importe que certaines ficelles scénaristiques soient un peu grosses ou que le tout ait été quelque peu "américanisé".

Car Sound of Freedom est trop important au vu de son sujet pour qu'on fasse la fine bouche. Car malgré ses imperfections, Sound of Freedom est un film fait avec le cœur qui touchera tous les spectateurs encore en pleine possession de cet organe. Car si Sound of Freedom n'est pas la réalité, il est authentique. Sincèrement authentique, jusqu'au plus profond de son âme.

Et finalement, c'est bien de cela qu'il est question : d'âme. Et d'âme, le film de Monteverde en déborde. Il en déborde tellement qu'on ne voit pas trop comment ne pas faire preuve de générosité face à un film qui réussit le prodige de traiter un sujet très dur, mais d'être lui-même extrêmement doux et touchant.

Et ce qui aurait pu être un film misérabiliste ou complaisant se transforme en un formidable message d'espoir qui parle au plus profond de notre être pour, après nous avoir montré ce qui abaissait l'homme au plus profond de l'ignominie, nous élever le regard vers ce qui le rend le plus noble : son âme.

Tonto
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le 21 nov. 2023

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