On peut s'amuser à rechercher dans une filmographie les rouages des mécanisme efficaces qui sont la marque ce que l'on appelle un cinéma d'auteur. Ces trucs, ces habitudes peuvent réchauffer les madeleines de Proust de souvenirs cinéphiles jouissifs comme agacer par un sentiment de déjà vu et de trop prévisible.


La plupart des mécanismes et des thèmes de Brian De Palma se retrouvent dans Snake Eyes. A commencer par la trahison (un de ses thèmes de prédilection). En connaissant un peu le bonhomme l'identité de l'organisateur de l'assassinat se devine dès le début et pour l'effet de surprise on repassera.
Comme dans la plupart des films de De Palma se cache un hommage détourné à un film d'Hitchcock ici c'est L’Homme qui en savait trop. Dans les deux cas le crime se déroule au milieu de la foule mais De Palma remplace la salle de concert comme scène de crime par le palais des sports d'Atlantic City où se déroule un combat de boxe. Comme dans une dizaine de films d'Hitchcock les motivations des méchants relèvent de l'espionnage, et on pourra penser que le mobile , tel le  fameux « Mac Guffin », est un prétexte qui ne résiste pas à l'analyse, et qui permet seulement de faire progresser l'intrigue.


Le long plan-séquence virtuose qui va des spectateurs au combat de boxe va lancer le thème de la machination diabolique, autre thème de De Palma. Par l'utilisation de caméra subjective, par les prises de vue des nombreuses caméras de surveillance, par les différents points de vue des personnages, par l’œil géant peint sur le mur, le réalisateur va souligner constamment l'omniprésence de la conspiration. Côté technique on retrouve, outre le plan-séquence du début, quelques split screen qui ont fait la renommée du metteur en scène, des flashbacks qui déconstruisent les images vues précédemment et un travelling en hauteur sur les chambres de l'hôtel.


De Palma se démarque aussi en montrant des personnages mégalomanes. Rick Santoro, le personnage joué par Nicolas Cage, irrite nos nerfs dans un personnage de flic totalement paradoxal. Corrompu jusqu'à l'os, d'une hystérie verbale probablement due à la cocaïne, vêtu d'une veste jaune de flambeur mais en même temps flic opiniâtre et courageux, Nicolas Cage occupe le devant de la scène comme le devant du ring. Et comme il attire toute l'attention autant qu'il attire les coups, les autres acteurs y compris les premiers rôles (Gary Sinise et Carla Gugino) ont du mal à exister. Après m'être documenté, je me suis rendu compte après coup que De Palma détestait Atlantic City, qu'il considèrait cet endroit comme un enfer et qu'il a fait de Rick Santoro un personnage emblématique de cette ville de l'illusion et de la corruption. Je comprends mieux du coup pourquoi Snake Eyes a été bien noté par la presse, alors même qu'il n'a jamais été en tête du boxe office. J'aurais dû me douter que l'auteur de Mission Impossible ou Scarface avait une vision plutôt sanglante de la ville en général, rongée par l'argent et le crime organisé.


Snake Eyes, maîtrisé tant sur le plan technique que pour la narration, est donc l'un des meilleurs films de De Palma de sa catégorie. La catégorie reine, celle des lourds.

Zolo31
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le 13 avr. 2022

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Zolo31

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