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Avant que Rencontres du troisième type et surtout Star Wars ne fassent péter la baraque en 1977, la science-fiction au cinéma était en grosse majorité divisée en deux catégories : d’un côté les productions un peu kitsch, casse-gueule et/ou films de série B, voir Z, et de l’autre 2001 : l’Odyssée de l’Espace, la grosse exception à la règle. En 1972, Douglas Trumbull, le pionnier des effets visuels sur le classique intemporel signé Kubrick, tentait une aventure plus large en réalisant son premier (d’une lignée de deux seulement) long-métrage, évidemment dans le registre de la S.F : Silent Running, scénarisé en partie par Michael fucking the Deer Hunter Heaven’s Gate Year of the Dragon Cimino (oui, lui) ici débutant.


Risque de spoiler dans cette critique.


Situant l’action dans un futur proche où la végétation terrienne a presque totalement disparu après un désastre nucléaire et où les dernières traces de cette nature sont entassées dans des serres à bord de transporteurs spatiaux, Trumbull signe un petit film réussi mais qui souffre du syndrome de « la première fois », avec son lot de facilités scénaristiques et de maladresses.


Suivant le quotidien d’un botaniste de l’espace interprété par Bruce Dern, Silent Running, malgré sa petite durée d’une heure et demi, souffre de quelques baisses de rythme sur certaines scènes (on pense notamment à la partie de poker entre Lowell et ses robots) et paraîtra bien calme voir ennuyeux pour le spectateur lambda de la génération post Matrix. Question casting, si l’acteur principal est efficace et habité par son rôle, ce n’est malheureusement pas le cas des trois seuls autres personnages que l’on voit physiquement, ici peu développés et manquant de profondeur.
De même, le « morceau de bravoure » du film, à savoir la périlleuse traversée du vaisseau dans les anneaux de Saturne, ne constitue pas un défi technique impressionnant, surtout si on le compare au segment final du film qui a révélé Trumbull en tant que génie des effets visuels, en sachant qu’en plus, la scène en question devait initialement être intégrée dans 2001 mais n’a pas été retenue.


Mais malgré les défauts que l’on a rapidement survolé, le film, boudé par le public à sa sortie, possède un capital sympathie dense et mériterait à mon humble avis un statut plus élogieux et une meilleure notoriété.


Bénéficiant d’effets spéciaux de qualité (le contraire aurait été un comble), Silent Running est, de par son message, une œuvre profondément humaniste qui a le mérite de traiter son sujet jusqu’au bout en offrant au spectateur ce qu’il est venu voir, une réflexion sur l’un des avenirs possibles de notre planète à l’époque, alors qu’en 1972, si la crise de Cuba est passée, la guerre froide continuait son petit train-train et les risques de catastrophes écologiques futures n’étaient pas totalement écartés. Etant l’un des premiers films à traiter d’écologie, il est d’ailleurs étonnant que le film n’ai pas servi de porte-étendard à la culture hippie, surtout que l’on peut entendre à la B.O. le temps de deux morceaux la reine du folk en personne.


Si comme on l’a vu plus haut, la plupart des personnages humains du film ne sont pas nuancés et ne profitent pas de richesse d’écriture particulière, notre attachement à nous spectateurs, va donc logiquement aller plus facilement aux petits robots assistants pourtant incapables de paroles plutôt qu’au seul Lowell, plus proche ici du fanatisme que du militantisme écologique hérité du mouvement hippie. Ces petits personnages interprétés par des culs-de-jatte, au design intéressant et à l’allure atypique, paraissant plus humains que leurs créateurs car vagant à leurs tâches sans idéologie extrémiste ni buts économiques ou lucratifs, marquerons beaucoup les esprits futurs, notamment ceux de Georges Lucas et Andrew Stanton, qui vont s’inspirer de leur look pour les désormais cultes R2D2 ou encore WALL-E.


Ultra ambitieux pour l’époque aussi bien dans son visuel que dans la réflexion qu’il véhicule, le film rejoint cette petite flopée de productions S.F. de l’époque post 2001/pré Star Wars qui sentent bon les 70’s et le psychédélisme, comme Soleil Vert, Zardoz ou encore Logan’s Run. Ambitieux, décalés, bariolés et contestataires, ce sont des films qui jouissaient d’un vrai propos, prenaient des risques et qui possédaient une valeur prophétique au moment de leur sortie. Valeur qui, dans le cas de Silent Running, est encore d’actualité aujourd’hui, ce qui participe à participe à donner au film une qualité d’œuvre avant-gardiste et annonciatrice des conséquences de la folie et l’irresponsabilité des hommes face à leur environnement.


Film pourtant imparfait et paraissant insignifiant face aux grands noms du genre, Silent Running, qui accuse presque ses 50 ans aujourd’hui, est une petite pépite à (re)découvrir, peut-être naïve et niaisement idéaliste, mais néanmoins dénuée de tout cynisme, ce qui est à saluer.
La scène finale, où Roger le robot, seul dans le vide spatial, s’occupe de la dernière parcelle de notre nature terrestre protégée par le dôme avec du Joan Baez en fond sonore, est très caractéristique du propos entier du film et mérite à elle seule d’hisser cette œuvre au rang de classique du genre, image à la fois touchante et mélancolique, autant empreinte de fatalité que d’espoir.

Tom-Bombadil
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le 5 mars 2021

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